La mobilisation ne faiblit pas à Khartoum «Nous voulons que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil incluant des représentants de l'armée», a assuré Mohamed Naji, un responsable de l'Association des professionnels soudanais (SPA). Des milliers de Soudanais se sont de nouveau rassemblés en masse jeudi devant le QG de l'armée à Khartoum, une semaine après le destitution du président Omar el-Béchir par les militaires, dont les manifestants exigent le départ pour permettre l'instauration d'un pouvoir civil. Les manifestants sont rassemblés pour le 13e jour consécutif devant le quartier général de l'armée dans le centre de la capitale soudanaise. Ce sit-in a connu un regain d'affluence jeudi; les manifestants scandant «pouvoir aux civils, pouvoir aux civils» et «liberté, paix, justice», selon un témoin. Depuis le 6 avril, des milliers de Soudanais campent devant le QG de l'armée, malgré la chaleur accablante. A l'origine, ils réclamaient le départ de M. Béchir, destitué le 11 avril par les militaires après quatre mois de contestation populaire déclenchée par le triplement du prix du pain. Ils exigent dorénavant la dissolution du Conseil militaire de transition qui lui a succédé et l'instauration d'un pouvoir civil. Après s'être réunis devant le ministère de la Justice, des avocats ont rejoint la foule. Nombre d'entre eux ont brandi des banderoles sur lesquelles était écrit: «Nous voulons que les lois qui restreignent les libertés soient modifiées». Des enseignants ont aussi rallié le rassemblement en brandissant des portraits de leur confrère Ahmed al-Kheir, qui a succombé en janvier à des blessures subies en détention. «Nous voulons que les meurtriers de notre ami enseignant affrontent la justice», ont-ils scandé. Des centaines de personnes venues du quartier de Bahari, dans le nord de Khartoum, ont afflué vers le sit-in en brandissant des banderoles sur lesquelles on pouvait lire: «Traduisez Béchir en justice». Arrivé au pouvoir par un coup d'Etat soutenu par les islamistes en 1989, M. Béchir a dirigé d'une main de fer un pays en proie à des rébellions dans plusieurs régions dont celle du Darfour (ouest) et où les arrestations de chefs de l'opposition, de militants et de journalistes étaient régulières. Le chef de l'Etat déchu est sous le coup de mandats d'arrêt de la Cour pénale internationale (CPI), notamment pour «génocide» au Darfour, mais les autorités actuelles refusent son extradition. Arrêté et détenu dans un lieu inconnu, M. Béchir, 75 ans, a été transféré mercredi dans une prison du nord de Khartoum, a indiqué l'un de ses proches. Le Conseil militaire a annoncé le même jour l'arrestation de deux de ses frères. C'est le ministre de la Défense sous Omar el-Béchir, le général Awad Ibn Ouf, qui avait pris la direction du Conseil de transition le 11 avril. Mais il a démissionné 24 heures plus tard et a été remplacé par le général Abdel Fattah al-Burhane, un militaire peu connu. «Nous voulons que le Conseil militaire soit dissout et remplacé par un conseil civil incluant des représentants de l'armée», a assuré Mohamed Naji, un responsable de l'Association des professionnels soudanais (SPA), groupe en première ligne de la contestation. Tout de même, si on compte Salah Ghosh, trois dirigeants se sont retirés en une semaine. M. Ghosh, chef redouté du Service national de renseignement et de sécurité (NISS), a démissionné après la destitution de M. Béchir. Le NISS est accusé d'avoir mené la répression contre les manifestants ayant fait plus de 60 morts et des centaines de blessés. Des milliers de personnes ont été emprisonnées. La réaction du Conseil à la pression de la rue et de la communauté internationale sera cruciale.