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«L'armée doit contacter des personnalités crédibles»
ADDI LAHOUARI, SOCIOLOGUE, À L'EXPRESSION
Publié dans L'Expression le 28 - 04 - 2019

Addi Lahouari est Professeur émérite de sociologie à Sciences Po Lyon et Visiting Scholar at Georgetown University, Etats-Unis. Son dernier livre s'intitule Le nationalisme arabe radical et l'islam politique, Barzakh, Alger, 2017. Les revendications exprimées par le mouvement populaire depuis 10 semaines, les propositions faites par Gaïd Salah, le chef d'état-major, à l'intention du peuple, la main étrangère et l'islamisme sont autant de questions débattues avec Addi Lahouari dans cette interview. Concis et précis, il plaide pour la mise en place «d'une instance présidentielle composée de trois ou quatre personnalités crédibles et compétentes. Elle fera fonction de chef d'Etat et nommera un gouvernement de transition».
L'état-major devrait, conseille-t-il, prendre contact avec des personnalités crédibles de la société civile pour négocier trois ou quatre noms pour former une instance présidentielle qui dirigera la transition. Le professeur souligne que «le Hirak va donner l'occasion à de jeunes officiers d'être promus pour assurer la relève nécessaire dans la hiérarchie militaire». Quant à la main étrangère, il affirme que «les services secrets des monarchies du Golfe et d'Israël ont certainement tenté d'intervenir dans le Hirak, mais ils ont échoué».
L'Expression: Après dix vendredis de manifestations, le mouvement populaire reste sans leader. C'est justement le reproche qui est fait à cette révolution pacifique: elle n'arrive pas à dégager ses hommes, ses représentants.
Addi Lahouari: Chaque révolution invente ses mécanismes de transition. Le peuple veut un changement radical du régime. C'est à l'état-major de proposer des solutions qui satisfont cette revendication. Les propositions de Gaïd Salah ne sont pas sincères et c'est pourquoi elles sont rejetées. L'état-major devrait prendre contact avec des personnalités crédibles de la société civile pour négocier trois ou quatre noms pour former une instance présidentielle qui dirigera la transition.
Selon vous donc, ce mouvement populaire donnera naissance à des hommes, à la hauteur des impératifs de l'heure pour prendre en main le destin de la maison Algérie.
Toute société donne naissance à des leaders. Dans les années 1950, nous étions 9 millions, nous étions une société rurale à 80%, nous n'avions presque pas d'étudiants. Nous avons donné naissance à des hommes d'Etat qui ont dirigé la révolution. Aujourd'hui, nous sommes 40 millions, nous avons
1,5 million d'étudiants. Des Ben M'hidi, des Krim Belkacem et des Hamou Boutlélis, il y en a des milliers. Le DRS les a empêchés d'émerger pour mettre à leur place des médiocres comme Ouyahia, Sellal et Mouad Bouchareb.
Le chef d'état-major, Ahmed Gaïd Salah, ne cesse de rappeler l'attachement de l'institution militaire aux revendications du peuple et de l'accompagner dans son processus de transition au cours de ses deux derniers discours. Qu'en pensez-vous?
L'état-major n'a montré aucun signe de volonté de changement. La hiérarchie militaire veut juste gagner du temps pour désigner d'autres marionnettes pour diriger la transition sous les ordres de Gaïd Salah.
Ne pensez-vous pas que même l'armée ne doit pas être épargnée par une transition aboutissant à un changement radical que le peuple revendique?
L'institution militaire est composée de gens qui font partie de la société et ils savent ce qui se passe quotidiennement en Algérie. Le Hirak va donner l'occasion à de jeunes officiers d'être promus pour assurer la relève nécessaire dans la hiérarchie militaire. Les généraux impliqués dans la corruption seront mis à la retraite. Quant au lourd héritage des années 1990, les jeunes généraux qui avaient 30 ans en 1990 avec les grades de lieutenant et de capitaine, ils n'ont pas à l'assumer. L'armée n'a pas torturé car la torture est interdite par la Constitution et par le règlement de l'armée. S'il y a des officiers qui ont torturé, c'est à eux d'assumer la responsabilité et non l'armée qui est une institution. Des individus portant l'uniforme ont torturé; ils subiront à titre individuel le jugement de l'Histoire et des hommes.
Gaïd Salah désigne des services étrangers, sans les nommer, en mouvement au sein du mouvement populaire. Y a-t-il du vrai ou s'agit-il juste d'un vieux refrain «de main étrangère» entonné au besoin?
Les services secrets des monarchies du Golfe et d'Israël ont certainement tenté d'intervenir dans le Hirak, mais ils ont échoué. Ils n'ont pas trouvé d'agents locaux en nombre suffisant pour dérailler la protestation. Ceci est à mettre au compte des services de sécurité et de la maturité des Algériens.
Que se passe-t-il, selon vous, entre Tewfik Mediene, ancien rab dzair et le nouveau, Gaïd Salah?
Gaïd Salah a exprimé le point de vue de l'état-major qui ne voulait pas que la gestion de la protestation lui échappe. L'état-major n'a pas apprécié que la rencontre entre Zeroual et Tewfik se déroule sans son accord. Tewfik Mediene voulait que Zeroual assure l'intérim comme président, en espérant qu'il protègera les officiers impliqués dans les violations des droits de l'homme. L'état-major ne voulait pas de Zeroual car il craignait qu'il ne prenne des mesures contre des officiers qui l'avaient écarté en 1998. Mais Tewfik a dû perdre la mémoire. A-t-il oublié l'assassinat du général Saidi que Zeroual voulait désigner à sa place à la tête du DRS?
Que faudrait-il faire des islamistes dans une Algérie d'aujourd'hui qui revendique une rupture radicale?
Les islamistes sont un courant politico-idéologique de la société et ils ont le droit d'exister en tant que parti politique. Je parle des anciens du FIS dissous et non des islamistes de l'administration. Par ailleurs, il ne faut pas avoir peur des islamistes car nous sommes tous des musulmans et en islam il y a plusieurs interprétations et plusieurs écoles de pensée. J'ajouterai deux choses. Premièrement, les vrais islamistes apparaissent aujourd'hui comme «mahgourine» parce que le régime les a combattus non pas par le droit, mais par la torture et la contre-guérilla. Deuxièmement, les islamistes ont évolué. Le discours de Ali Belhadj d'aujourd'hui n'est pas le même avec celui des années 1980. C'est ce que j'avais appelé à l'époque «la régression féconde». En faisant de la politique, les islamistes se rendent compte de la complexité de la réalité. Il n'y a pas d'un côté les musulmans et de l'autre les citoyens sécularisés. Si l'imam al Jouwayni (mort en 1085) revenait aujourd'hui, ou Sahatibi (mort en 1388)), ils mettraient la sécularisation parmi les «maqasid achari'a». Beaucoup d'islamistes ont compris cela. Ali Belhadj fait la différence entre un mauvais musulman et un bon citoyen. Le Tunisien Rached Ghannouchi a compris que le seul régime qui correspond à l'islam est celui qui respecte les droits de l'homme.
Pour que l'Algérie puisse sortir de cette crise que faudrait-il faire, quelle solution proposez-vous?
Il faut une instance présidentielle composée de trois ou quatre personnalités crédibles et compétentes. Elle fera fonction de chef d'Etat et nommera un gouvernement de transition dont la tâche sera triple: 1. nettoyer les services de l'Etat (douanes, impôts, gendarmerie, police, armée, justice...) de tous les fonctionnaires qui ont porté atteinte aux intérêts de la nation; 2.gérer les affaires courantes et prendre des mesures réalistes pour protéger l'économie et encourager les exportations: 3. préparer les élections législatives, présidentielle et municipales dans un délai d'un an à un an et demi au maximum. Le Hirak réussira parce qu'il correspond à une deuxième phase historique de construction de l'Etat. C'est un mouvement sociopolitique profond qui prend sa source dans les aspirations de Novembre 1954. Il aura des conséquences positives sur la société et sur toutes les institutions de l'Etat, y compris l'armée.


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