Paradoxalement, de l'autre côté de la Méditerranée, l'on estime que les choses évoluent bien en Algérie. L'année 2005 aura marqué une meilleure visibilité dans les échanges économiques entre l'Algérie et la France mais les flux d'investissements directs (IDE) sont jugés encore très insuffisants par les opérateurs Algériens. Au cours de cette année, de nombreux ministres et autres décideurs économiques Algériens ont défilé à Paris. Les échanges économiques globaux algéro-français ont augmenté de 13,6% pour les dix premiers mois de l'année 2005, soit 13,6% par rapport à la même période de 2004. Ils ont été estimés à 7,47 milliards de dollars. Mais une lecture de ces échanges fait ressortir qu'ils restent relativement figés dans leur structure traditionnelle. Les importations algériennes à partir du marché français se composent toujours de biens diversifiés (biens de consommation, agroalimentaire, équipements industriels, etc.) contre des importations françaises à plus de 95% de produits exclusivement liés aux hydrocarbures. Par ailleurs, moins de 200 opérateurs français sont implantés durablement en Algérie selon le vice-président-directeur général de la branche internationale du Medef (patronat), M.Thierry Courtaigne. Plus significatifs, les investissements français ne représentent que 4% du montant global des investissements étrangers en Algérie, selon les chiffres de l'Agence nationale des investissements (Andi), et ce malgré «les assurances» accordées par Alger. Paradoxalement, l'Agence officielle française de promotion des entreprises françaises à l'étranger, a noté «que les choses évoluent en Algérie (code des investissements, secteur bancaire, foncier), que la pression fiscale y est conforme aux normes internationales». Idem pour les facteurs de proximité (géographie, langue, histoire), qui facilitent les flux d'investissements. Mais elle reconnaît, néanmoins, «qu'il y a une certaine frilosité» de la part des entreprises françaises. Plusieurs mois auparavant, en juillet, lors d'une rencontre à Paris avec les argentiers et assureurs français, le ministre des Finances, M.Mourad Medelci, avait relevé que le niveau des IDE hors hydrocarbures était insuffisant, même s'il est plus important que les années précédentes. La remarque avait également été faite en mars 2005 lors des assises méditerranéennes internationales (AMI) tenues à Marseille où quelque 150 entrepreneurs algériens ont tenu à faire la distinction entre les échanges commerciaux et un partenariat devant amener les entreprises françaises à investir davantage en Algérie. Ils ont également souligné le fait que ce partenariat devrait engager des investissements créateurs d'emplois et accompagnés d'un transfert réel de technologie, et d'un système de formation correspondant. Ce constat de frilosité des entreprises avait été rejeté par la ministre française déléguée au Commerce extérieur, Mme Christine Lagarde, qui, lors de sa première visite à Alger, en fin juin 2005, estimait «que beaucoup de choses vont se réaliser dans les prochains mois». Depuis, outre les groupes français déjà implantés en Algérie, la Caisse d'épargne, Cetelem, Quick pour le fast-food (grandes surfaces) ont fait part de leur intention de s'installer en Algérie. De son côté, le ministre français de l'Economie, des Finances et de l'Industrie, M.Thierry Breton, en visite en novembre dernier à Alger, a affirmé «que la France souhaite vraiment inciter les entreprises françaises à travailler davantage» avec l'Algérie. Il a évoqué «l'usage intelligent» dans le traitement du dossier de la reconversion de la dette en investissements (288 millions d'euros). «L'Algérie est en train de mettre en place un modèle économique qui marche», a assuré de son côté M.Courtaigne, évoquant le fait que la Coface, l'assureur crédit français qui évalue, pour ses clients, la santé économique de 45 millions d'entreprises dans le monde, a revu positivement la cotation du marché algérien. «Pour nous, le marché algérien est un risque tout à fait satisfaisant pour les entreprises françaises», a déclaré le président de la Coface, M.François David. Ce diagnostic de la situation économique a été confirmé à Paris par l'organisation occidentale Ocde et la Banque africaine de développement (BAD). Dans un rapport 2004-2005 sur les perspectives économiques en Afrique, les deux organisations ont noté que les résultats enregistrés par l'économie algérienne en 2003 et 2004 confirment les éléments structurels d'un diagnostic positif, et laissent présager «une croissance soutenue en 2005 et 2006». L'Ocde et la BAD ajoutent que «la stabilité du cadre macroéconomique est d'autant plus appréciable qu'elle a été préservée dans un contexte de relance par la demande, à travers la mise en oeuvre du Psre (Plan spécial de relance économique) 2000-2004, basé sur une augmentation substantielle de l'investissement public». Les deux organismes internationaux en déduisent que cela permet à l'Algérie d'asseoir sa dynamique de croissance sur des bases structurellement solides, moyennant un meilleur rééquilibrage entre les secteurs public et privé et davantage d'efficacité et de rigueur dans la mise en oeuvre des projets d'infrastructures. Dans cette dynamique de croissance, le ministre de la Participation et de la Promotion de l'investissement, M.Abdelhamid Temmar, a fait plusieurs escales à Paris pour faire valoir la nouvelle stratégie déployée par le gouvernement en matière de privatisations, dans la perspective d'établir des contacts directs avec les éventuels repreneurs français. M.Temmar, qui était accompagné par une quinzaine de responsables des Sociétés de gestion des participations de l'Etat (SGP), a expliqué que le programme des privatisations qui cible quelque 1230 entreprises publiques. est un élément essentiel pour sauvegarder un important tissu industriel qui existe en Algérie, l'autre fait saillant est que l'Algérie, outre l'ouverture de son marché, a engagé une large offensive sur les espaces économiques étrangers. M.Chakib Khelil, participant début décembre à Paris au troisième Forum mondial sur le développement durable, a indiqué que l'Algérie attend avec intérêt l'ouverture de l'aval des hydrocarbures en Europe. «Notre pays est décidé à consolider la part qui lui revient dans l'approvisionnement énergétique de l'Europe», a-t-il dit, rappelant que l'Algérie attend, en retour, plus d'investissements directs (capitaux, technologie et savoir-faire) de la part des entreprises européennes, et une ouverture plus franche du marché européen. L'autre étape importante dans le partenariat économique algéro-français est la création d'un comité stratégique regroupant les représentants des ministères des deux pays. Il sera installé au plus tard au premier trimestre 2006. Sa mission est de mettre au point les différents projets de partenariat dans divers domaines, de définir notamment les possibilités de coopération entre les deux parties. Notons que la part de marché de la France dans les importations du pays est de 25%, contre 10% pour l'Italie.