L'inutilité d'une élection se précise La journée d'aujourd'hui ouvre des perspectives inédites dans l'histoire du pays. La présidentielle du 4 juillet 2019, principale mission de l'actuel président de l'Etat et du gouvernement, a bel et bien tourné court. La pression du peuple qui, de vendredi en vendredi, se faisait plus importante, a fini par faire céder le «mur constitutionnel» de l'article 102. Le processus, lancé par Abdelkader Bensalah à sa nomination à la tête du pays, a été expurgé de toute sa sève. Et pour cause, le succès de l'action populaire est totale. Aucun candidat, dit sérieux, ne s'est présenté au siège du Conseil constitutionnel. Même ceux qui tenaient mordicus à l'application de l'article 102 ont dû se rendre à l'évidence de l'inutilité d'une élection dans pareilles circonstances. Abdelaziz Belaïd et Ali Ghediri qui ont, faut-il le leur reconnaître, courageusement défendu leur opinion sur la question, ont compris qu'ils n'ont pas réussi à convaincre les Algériens. S'en tenant à sa première position de refus des «3 B», l'opinion nationale n'a pas suivi l'argumentaire des deux candidats potentiels. A partir d'aujourd'hui, c'est donc la confirmation de la «feuille de route» du mouvement populaire. Il n'y aura pas d'élection présidentielle telle qu'envisagée par la Constitution dans des circonstances comparables, à savoir la démission du président de la République. Les partisans d'un retour à la légalité constitutionnelle, sans période de transition, ont certes tenu un discours qui a sa logique, sauf qu'ils ne sont pas parvenus à transmettre l'idée selon laquelle les institutions de la République n'évoluent pas au gré des hommes. Belaïd et Ghediri ont tenté de «déshumaniser» Bensalah et Bedoui, mais sans succès. Cela dit, ils auraient pu s'imbriquer dans la «mécanique» de l'article 102 et faire valider «constitutionnellement» leurs candidatures, avec la chance que l'un d'eux devienne président de la République. Mais cela aurait aggravé la crise. Un président hyper-minoritaire n'aura jamais l'autorité suffisante pour mettre les bases d'une nouvelle République. De son côté, l'institution militaire pouvait «discrètement» faire en sorte à ce que le scénario puisse se réaliser. Mais le résultat serait le même. Il faut dire que les deux candidats, comme l'institution militaire, ont fait chacun son travail, les premiers pour avoir crânement défendu leurs idées et la seconde pour avoir veillé jusqu' au bout à la légalité constitutionnelle. Et comme le peuple est le seul véritable souverain, il a tranché pour l'annulation du scrutin du 4 juillet. En clair, la journée d'aujourd'hui ouvre des perspectives inédites dans l'histoire du pays. L'échec du processus électoral suppose une fin de mission pour les «2 B». Cela suppose également une sorte de vide constitutionnel, à moins de rester dans l'esprit des articles 7 et 8 de la Constitution. Le recours au peuple, et à aucune autre institution, pour relancer le processus de sortie de crise, doit nécessairement s'accompagner d'une démarche, disons-le, novatrice au plan de la représentativité. Comme il n'est absolument pas question de garder le personnel politique intérimaire, il va falloir trouver le moyen de faire adouber par le peuple une ou plusieurs personnalités nationales qui seraient chargées de conduire la période de transition, celle-ci devenant incontournable. Toute la difficulté est à ce niveau, même si les noms des trois personnalités, auteurs de l'appel à l'institution militaire, semblent faire consensus. Devant l'urgence de la situation, Ahmed Taleb Ibrahimi, Ali Yahia Abdennour et Rachid Benyellès s'imposent comme la «solution naturelle». Si l'on joint les très récentes informations sur un texte en préparation sur la mise en place d'une instance d'organisation des élections à l'actualité de l'heure, l'on peut supposer que l'on soit à la veille d'un changement profond qui donnerait aux articles 7 et 8 de la Constitution une interprétation «opérationnelle», à même d'entrevoir une solution politique qui consisterait en une courte transition avec, au bout, une élection présidentielle, dans les six mois. C'est là le voeu du mouvement populaire, dont les manifestations de vendredi prochain pourraient être considérées comme une sortie de référendum, si entre-temps, les termes d'un accord d'activation des articles 7 et 8 se concluraient entre les autorités du pays et la classe politique sur les personnalités censées conduire la transition. De fait, à partir d'aujourd'hui et jusqu'à jeudi prochain, les signaux dans un sens comme dans l'autre, devraient être intenses, pour donner aux Algériens assez d'arguments pour valider le nouveau processus de sortie de crise. Il faut dire qu'après la suspension sine die du processus électoral, ce scénario paraît plus que souhaitable, il est même probable. Et pour cause, si l'on se fie aux slogans scandés avant-hier par les Algériens, on voit mal une autre issue réussir...