Le décès du président tunisien Béji Caïd Essebsi à quelques mois de la fin de son mandat précipite le calendrier électoral, avec une présidentielle dans moins de 50 jours, dont l'issue est encore largement imprévisible. Dès le lendemain de la trêve politique imposée par les funérailles du premier président élu démocratiquement au suffrage universel, les offensives politiques ont repris. Elles s'annoncent d'autant plus virulentes que Nidaa Tounes, le parti qu'il avait créé en rassemblant des mouvements hétéroclites sur une plateforme anti-islamiste, est en miettes, décimé par des luttes de clans. Hier, l'Instance chargée des élections (Isie) a annoncé lors d'une réunion avec des représentants des partis politiques, la date du 15 septembre pour la présidentielle. Les candidatures doivent être déposées entre le 2 et 9 août. La campagne électorale commencera le 2 jusqu'au 13 août et les résultats préliminaires seront annoncés le 17 septembre, a affirmé, hier, Nabil Baffoun, président de cette instance. Le chef de Machrouu Tounes (Projet de la Tunisie, ndlr), Mohsen Marzouk a appelé à organiser le scrutin présidentiel le même jour que les législatives (le 6 octobre), «pour permettre à tous les candidats d'avoir les mêmes chances», a-t-il indiqué. Parmi les principaux prétendants pressentis, aucun n'était en haut de l'affiche en 2014, ce qui rend difficile toute comparaison. Le défunt président n'a pas promulgué ce nouveau code électoral, laissant à Karoui la voie ouverte. Quelques poids lourds du parti présidentiel l'ont rejoint au lendemain des funérailles. «Derrière lui, le paysage est encore très flou», estime l'expert tunisien Youssef Cherif. «Si la frange qui se dit ‘‘moderniste'', anti-islamiste, parvient à se rassembler à nouveau, elle peut reconstituer un poids électoral de taille — mais tous les signaux montrent qu'on va vers une lutte d'égos», estime le politologue Selim Kharrat. Les islamistes modérés d'Ennahdha, principal parti au Parlement, «cherchent le même scenario qu'en 2014» avec Nidaa Tounes, explique-t-il : «Un groupe politique laïc avec un chef charismatique qui devienne président, et avec qui ils s'allient.» Ennahdha, marquée par l'échec de sa première expérience du pouvoir en solitaire lorsqu'elle avait remporté fin 2011 le premier scrutin post-révolution, reste réticente à présenter son propre candidat, préférant la position de faiseur de roi au Parlement. Toutes les alliances ou presque semblent envisageables, sauf avec Abir Moussi, une passionaria de l'ancien régime, revendiquant l'héritage du RCD du président déchu Zine el Abidine Ben Ali, et appelant à exclure les islamistes. Mohamed Abbou, chef de file du Courant démocrate, ou «Tayyar», issu du parti de l'ancien président Moncef Marzouki, est en campagne depuis plusieurs mois, tandis que Marzouki n'a pas annoncé de candidature. Le Premier ministre Youssef Chahed, qui a fondé en avril un parti dissident de Nidaa Tounes, s'est vu reprocher des ambitions pour la présidentielle — mais sa popularité est au plus bas, et rien n'a filtré sur ses intentions. D'autres sont arrivés dans le paysage politique très récemment, comme l'universitaire indépendant Kaïs Saïed, ou le ministre de la Défense, Abdelkarim Zbidi, que M. Essebsi a fait venir à son chevet en juin, le plaçant ainsi parmi les successeurs potentiels. Mais aucun n'a de machine électorale en place, à 50 jours du scrutin.