Prêt à tout. Le Japon ne se ménage pas pour accorder un meilleur accès à ses entreprises en Afrique. C'est dans une prise de conscience tardive que Tokyo cherche désespérément à regagner de l'influence dans le « dernier marché majeur ». Le retard pris par rapport à ses concurrents est considérable. Il paraît même insurmontable. Surtout que le concurrent principal est un mastodonte nommé «Chine». Afin de mieux pénétrer le marché africain, le Japon s'est doté de la Ticad, la Conférence internationale de Tokyo sur le développement de l'Afrique, coorganisée par le Japon, la Commission de l'Union africaine, l'ONU, la Banque mondiale et le Pnud, s'est vu accorder un rôle exclusif en tant que forum multilatéral pour le développement du continent noir. Le Japon ne saurait concurrencer seul son voisin. Depuis 1993, la Ticad en est à sa septième édition. Dans une comparaison à peine voilée avec la Chine, le Japon prône un partenariat avec l'Afrique en mettant l'accent sur l'appropriation et la coopération, contrairement aux pratiques de surendettement du voisin encombrant. La nouveauté de la dernière édition a consisté au dialogue sur les partenariats public-privé. Ce pays, en mal de débouchés et très peu présent en Afrique, n'en finit pas d'inciter ses entreprises à y investir. Le challenge est de gagner des parts de marché face à d'autres puissances présentes depuis bien plus longtemps, et bien plus expérimentées en ce qui concerne la façon de traiter avec les Africains. Selon le Premier ministre Shinzo Abe, 20 milliards de dollars ont été investis par le secteur privé japonais dans différents pays africains les trois dernières années. « Nous prendrons toutes les mesures possibles pour soutenir le déploiement des entreprises japonaises en Afrique », a-t-il déclaré. Les progrès sont certes là, mais la présence japonaise est encore timide. D'où l'intérêt de la Ticad. Selon la Jetro, l'organisation japonaise du commerce extérieur, les IDE japonais ont été multipliés par 10 depuis l'an 2000, atteignant 9 milliards de dollars en 2018. Cependant, ces chiffres restent bien inférieurs à ce qu'ils pourraient être au vu de la taille de l'économie japonaise, ainsi que des opportunités que présente le continent. Afin de pousser les chiffres vers le haut, la dernière conférence a débouché sur la Déclaration de Yokohama 2019, et sur un plan d'action pour sa mise en œuvre. Parmi les mesures décidées, encourager les rencontres des start-up africaines et des start-up japonaises, former 140 000 personnes pour diversifier les industries, assurer une meilleure sécurité alimentaire en doublant la production de riz en Afrique de 28 à 56 millions de tonnes… etc. Toutes ces mesures ne viennent pas sans contrepartie. Il serait naïf de croire que ce soit par philanthropie que le pays du Soleil levant dépense ces sommes astronomiques. Les PME japonaises, représentant l'écrasante majorité des entreprises, sont en mal de débouchés et disposent de liquidités. L'influence acquise par la Chine est également une menace pour ce pays. L'Afrique est donc un partenaire de choix en ce qui concerne les débouchés et le soutien diplomatique afin de « protéger le bassin indopacifique (…) en tant que bien public international dans lequel règne le droit ». Comprendre « dans lequel ne règne pas la Chine ». Pour ce faire, le Japon compte sur l'Afrique en général, et sur l'Algérie en particulier, étant un «acteur important» au sein de la communauté internationale. L'Algérie, qui se retrouve dans des rapports de force qui lui sont favorables, n'a qu'à exprimer ses désirs. La contrepartie attend les demandes et les initiatives. Par contre, et afin de profiter des IDE japonais, l'effort demandé est l'établissement d'un meilleur climat des affaires. Le ministre des Affaires étrangères japonais l'avait déclaré lors de sa dernière visite. Un accord sur les investissements et sur la non-double imposition est une condition sine qua non pour une coopération économique approfondie. Les entreprises se pressent aux portes de l'Algérie, notamment les constructeurs automobiles. Elles n'attendent qu'un cadre juridique rassurant pour s'y établir. La balle est dans le camp algérien.