La salle Frantz-Fanon, à Riadh El Feth, a accueilli la projection du film choc Crash. C'est vendredi dernier que s'est achevé le cycle cinématographique ayant trait aux films du réalisateur David Cronenberg, qu'organise l'association Chrysalide. Le dernier en liste est le film choc, salué par le Grand prix du jury du festival de Cannes en 1996. Il s'agit de Crash. Encore une fois, la perversion de l'être humain est mise en exergue. Ce qui peut être répugnant, n'est que fascination et sublimation. Le fantastique épouse le naturalisme jusqu'à enfanter des créatures «surnaturelles». Encore une plongé dans la conscience d'un psychopathologique en furie. Tout se traduit ainsi par des gestes, une posture, une position, des soupirs, qui se font éloquents plus que la parole elle-même. Celle-ci plus rare, s'éloigne, s'annule presque devant un tel déversement tortueux de sensualité, de sexualité «débridée». De croisement néfaste et langoureux de corps qui ont mal dans leur peau et pourtant se cherchent à l'abandon. Une restructuration de soi par la «conquête» de l'autre. A l'infini. Une réincarnation?... D'une heure 50 minutes, Crash donne à voir des personnes en proie à leurs pulsions qui se lancent dans des aventures toujours scabreuses pour se «renouveler», se refaire une virginité, inlassablement destructrice... Ici, l'objet de ces expériences est l'accident de route qui génère des êtres traumatisés, aussi bien physiquement que mentalement. Dans Crash, cette sensation de frôler la mort qui engendre la peur, est créatrice de plaisir. Ainsi, un homme soi-disant photographe médical, veut, sans cesse, y goûter jusqu'à se perdre au final. La mort, plus attirante que jamais, le prend dans ses filets. Angoissant aussi bien que machiavélique, telles les sirènes maléfiques qui vous entraînent dans leur sillage, Crash illustre bien ces «Chants de Maldoror», ces superbes poèmes de Lautréamont qui louent les délices de l'amour... sadique ou encore, la petite mort. Comme quoi, on n'a rien inventé! Et David Cronenberg le dit clairement dans un documentaire qui lui a été consacré et réalisé en 1999 par André Labarthe. «Tout est érotique», des mots qui, à s' y méprendre, nous font croire que le réalisateur ne pense qu'à ça... Or, paradoxalement, Cronenberg, parle de « renaissance ». Purification ? De transcendance, certes, «J'ai une obsession de la métaphore», un mot-clé qui ouvre bien le champ de notre compréhension. Si pour Cronenberg, le souci majeur est comment rendre compte d'une vérité, dans ce cas de figure, le corps, donner chair au verbe, est illustré par la clarté des images qui traduisent l'état actuel d'une société américaine en pleine mutation, en perpétuelle métamorphose. Parfois fracturée, schizophrène, aliénée, malade de ses errements.. Le corps, ici, se veut alibi, «machine» à suggérer une idée qui, pour Cronenberg, se doit d'être «tactile, visuelle et sensuelle». Si, pour Cronenberg, une oeuvre artistique, son film donc, c'est d'abord une forme, un contenu reste «aléatoire», car en perpétuelle évolution. «Il n' y a pas de pensée sans corps. Le cinéma est le reflet de la chair», souligne-t-il. Pour Cronenberg, l'être est hybride et donc complexe, d'où son intérêt de se pencher sur «la transformation de l'esthétique humaine». Mais s'il est clair qu'il passe au scalpel, les avatars de l'être humain, ce qui compte pour lui, est comment les raconter. C'est là où réside le génie de ce réalisateur, que d'aucuns considèrent comme un visionnaire, témoin de son temps. Un artiste qui, à partir de son imagination fertile et d'images aussi obscures soient-elles, et, misant sur l'horreur organique, a su rendre compte d'une vérité, celle du corps. Une matière que la médecine n'a pas fini d'explorer, ni d'en mesurer les limites. En effet...