Le couple Algérie-France a-t-il fini de vivre ses convulsions épisodiques? Du «coup de coeur» au «coup de passion» ce couple a mal vécu une nouvelle fois ce que les Algériens ont qualifié de «coup de Jarnac», le débat sur la loi du 23 février 2005 sur la glorification de la colonisation étant le dernier avatar initié par les députés de l'UMP. Que reste-t-il comme obstacle, désormais? Comme on pouvait s'y attendre, le Conseil constitutionnel français a statué le 31 janvier dernier, sur une loi qui aura, des mois durant, fait couler beaucoup d'encre et nourri moult polémiques, non seulement en France et en Algérie, mais également aux Antilles. Ayant confronté l'article incriminé aux dispositions de la Constitution de la Ve République, les dix Sages qui, en fait, n'étaient que huit - l'ancien président de la République Valéry Giscard d'Estaing et Mme Simone Veil étaient absents - ont conclu à son caractère réglementaire et donc recommandé son « déclassement » du texte législatif, comme le souhaitait implicitement le président Jacques Chirac. Le contenu des formations et des enseignements étant déterminé par des textes réglementaires, le Conseil constitutionnel a donc renvoyé la copie au gouvernement de Dominique de Villepin qui ne demandait pas mieux, pour en finir avec un débat devenu des plus houleux sur le thème de la glorification de la colonisation. Presque en même temps, le président Chirac, qui avait anticipé, il y a cinq jours, l'abrogation de l'article 4 en annonçant la saisine du Conseil constitutionnel, a décrété la date du 10 mai comme anniversaire de la commémoration de l'abolition de l'esclavage, dressant, au passage, un véritable réquisitoire contre la traite des êtres humains, «assimilés à des marchandises», à laquelle «se sont livrées la plupart des puissances européennes». Jacques Chirac qui a énuméré, dans son discours, les dégâts d'un «crime» contre l'humanité, générateur du racisme, n'a pas manqué de souligner que celui-ci met davantage en lumière les raisons pour lesquelles «la mémoire de l'esclavage est une plaie encore vive» dans l'esprit d'un grand nombre de citoyens français. Est-ce un hasard s'il a confié la présidence du Comité de la mémoire sur l'esclavage à l'écrivain guadeloupéenne Maryse Condé? Certes non, car la réaction des populations des territoires d'Outre-Mer qui, on s'en souvient, ont contraint le ministre de l'Intérieur et président de l'UMP, Nicolas Sarkozy, à annuler le voyage qu'il devait effectuer aux Antilles, a largement contribué à faire prendre conscience à la classe politique française des risques et de l'indignité de l'article 4 chantant les bienfaits de la colonisation. Aujourd'hui, on peut presque dire que le débat est clos. Quelle que soit la manière dont le gouvernement français prônera la conversion de cet article, demeurera, pour l'essentiel, le désaveu unanime essuyé par les thuriféraires du colonialisme qui auront tenté de saborder, mais en vain, la refondation des relations entre les deux pays souverains que sont l'Algérie et la France. Cette refondation, voulue et entreprise par Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac, pouvait heurter des intérêts mesquins et compromettre les calculs de certains pays et de certaines communautés de rapatriés. L'épisode de la loi du 23 février 2005 aura, en fin de compte, contribué à clarifier les enjeux et à situer les champs les plus pertinents de la future coopération que les deux pays veulent mutuellement bénéfiques dans tous les domaines, sans exclusive. Le président Chirac va dépêcher, dans les jours qui viennent, le ministre des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, qui viendra à Alger pour préparer le terrain à la visite prochaine du chef de l'Etat français et donc, à la signature du Traité d'amitié qui scellera, une bonne fois pour toutes, le nouveau partenariat auquel aspirent les deux peuples, conscients de tout ce qui les a jusqu'alors fâchés, mais résolument optimistes quant aux liens objectifs qui les rattachent et aux multiples opportunités qui s'offrent à leurs économies respectives. S'agissant du Traité d'amitié, on peut objectivement penser qu'il sera signé très bientôt puisque rien ne s'oppose désormais à sa conclusion. Ce texte sera fondateur d'une page nouvelle entre les deux pays et les deux peuples qui aspirent, malgré les vicissitudes, à de fortes et sincères retrouvailles, sans cesse réitérées et toujours renvoyées aux calendes grecques, du fait de péripéties politiques qui ont, maintes fois, hypothéqué leurs relations. Quarante-quatre ans après les Accords d'Evian, il est plus que temps de tourner la page du passé et de dépassionner, à jamais, les relations du couple algéro-français.