Le dossier des extraditions et de son corollaire, les droits de l'Homme, est indéniablement l'un des enjeux sur lesquels pourrait buter l'Algérie dans ses rapports avec l'Occident. Les expulsions de ressortissants algériens, convaincus de terrorisme, d'appartenance islamiste ou simplement en rupture avec la justice européenne, sont devenues une réalité de la vie politique nationale. A mesure que des Algériens sont expulsés, essentiellement de France, le dossier des droits de l'Homme en Algérie rebondit de manière significative jusqu'à entacher l'action du pouvoir algérien dans ce domaine, de manque de crédibilité et d'absence de cohésion en la matière. De demandeur, Alger se retrouve dans la position d'une nation obligée de se justifier sur l'application de ses propres décisions de justice. L'onde de choc des attentats du 11 septembre a quelque peu modifié cette donne puisque les magistrats européens commençaient à s'intéresser de près aux piles de dossiers des terroristes algériens exilés en Europe et en Amérique du Nord ; et qui s'entassaient sur leurs bureaux avec le cachet d'Interpol. Ces avis de recherche ont été, depuis, réactivés avec l'appui, sinon la pression amicale, des services de renseignements américains comme le FBI et la CIA, sur leurs homologues européens. Le cas de Zakarias Moussaoui, le Franco-Marocain considéré comme le 20e kamikaze du WTC reflète toute l'impuissance de la justice européenne à cerner le cas des terroristes appartenant à des réseaux dormants, mais néanmoins connus de leurs services, et le laxisme des services spéciaux des Quinze de l'UE, tout occupés à «retourner» leurs islamistes pour leur propre compte. C'est dans cette logique implacable et soudaine que la France s'est emparée du dossier des extraditions, le tenant toutefois par le mauvais bout de la chemise. Chalabi, Hamani et consorts ont été expulsés sans concertation avec Alger et se retrouvent dans un imbroglio juridique que la justice algérienne à quelque mal à débloquer. Paris a livré des «cadeaux empoisonnés» dans une tentative politicienne de biaiser un contentieux réel avec Alger. Le comble est que certains des «extradés» comme Chebab, revenu d'Espagne par un vol régulier, se réclame du contingent passif de la concorde civile dont les portes se sont fermées pourtant deux années auparavant. Du moins, juridiquement. La nuance qui veut que les termes de la concorde civile, même pour les islamistes algériens réfugiés en Europe, étaient actifs durant six mois et que personne de ses «extradés» n'a eu la bonne idée d'en profiter se trouve aujourd'hui inversée. A cela est venu se greffer le dossier des disparus, encore entre parenthèses, que des ONG, qui ont pourtant séjourné en Algérie, continuent à agiter sous le regard des Parlements européens dont une majorité, socialiste et social-démocrate, est prête à saisir le terme de «conditionnalité» pour faire de l'accord d'association Algérie-UE, un accord sans lendemain. Et dans cette problématique, on oublie l'essentiel, à savoir que l'Algérie est toujours confrontée à un terrorisme féroce qui, lui, en revanche, ne s'encombre pas de détails feutrés comme celui de savoir si la vie humaine est sacrée. Alger a vu, avec les événements du 11 septembre, l'essentiel de ses thèses triompher. Sur le plan politique, l'idée d'une coalition internationale contre le terrorisme est dorénavant agissante. Sur le plan sécuritaire, l'impératif d'une éradication militaire du terrorisme bat son plein en Afghanistan contre Al-Qaîda de Ben Laden. Sur le plan diplomatique, le succès enregistré par un retour des diplomaties occidentales à l'idée de la création de mécanismes onusiens pour la lutte contre le terrorisme a définitivement scellé la question de la crédibilité de la démarche algérienne.