La colère et les protestations du corps médical sont montées d'un cran. Une soixantaine de professeurs et de docents se sont réunis jeudi dernier au CHU d'Oran pour signer et transmettre au ministre de la Santé une motion demandant le départ du directeur général de l'établissement. Ce bras de fer entre le corps médical et le responsable actuel du Chuo qui dure depuis plusieurs mois déjà, a pris ce week-end, une ampleur sans précédent, accentuant davantage les tensions et les remous récurrents qui secouent le CHU d'Oran. La colère et les protestations du corps médical sont montés d'un cran suite à une décision de «suspension à titre conservatoire», prise lundi dernier par le DG de l'hôpital à l'encontre du professeur Djebli, chef de service des urgences médicales. Cette décision de suspension qualifiée par le concerné et bon nombre de ses collègues «d'abus d'autorité» et «d'arbitraire», a surpris et choqué des chefs de service et autres médecins spécialistes. Plusieurs d'entre eux, interrogés, estiment que cette décision du DG «n'est qu'une énième initiative précipitée visant à accentuer le climat de démobilisation et de déstabilisation favorable à l'effondrement et à la paralysie du service UMC». Une plainte en justice a été introduite en référé pour demander l'annulation de cette décision de suspension. Du côté de l'administration, on évoque le «non-respect par le Pr Djebli, de ses missions en tant que chef de service des urgences médicales... pour ne s'occuper que des urgences de réanimation-anesthésie, une activité médicale qui n'existe pas dans l'organigramme officiel du Chuo». Une polémique qui reste, il est vrai, difficile à comprendre pour un profane en organisation hospitalière. Les UMC de l'hôpital d'Oran, dont la création, l'organisation et le fonctionnement sont fixés par un arrêté ministériel regroupent trois services, urgences médicales, urgences chirurgicales et plateau technique opérant en complémentarité pour assurer H24 une mission médicale délicate et vitale pour une très nombreuse population venant d'Oran et de ses environs. Plusieurs spécialistes expliquent que ce service des urgences médicales, comme partout ailleurs, n'a rien à voir avec la fonction désuète du «tri médical» qu'un seul bon technicien de la santé peut assurer à la porte d'accès d'un l'hôpital. Le professeur Djebli qui a été nommé chef du service des urgences médicales par un arrêté interministériel Santé-Enseignement supérieur, estime qu'il ne peut être suspendue de ses fonctions que sur décision de la même tutelle et pour faute professionnelle grave et prouvée. Il est vrai par ailleurs, que malgré le manque en moyens matériels et humains et les contraintes récurrentes liées à la gestion et au fonctionnement global du Chuo, le service des urgences médicales dirigé par le Pr Djebli depuis cinq ans, a acquis une certaine réputation d'efficacité et de sérieux. Malgré cela, l'administration avait, il y a déjà plus de trois mois, procédé à l'affectation non concertée de praticiens rattachés au service des urgences vers d'autres structures. En octobre de l'an passé, une liste de garde «parallèle» pour le service des urgences médicales a été, sur instruction du DG, élaborée et placardée aux UMC... au côté de la liste qui était établie mensuellement depuis cinq ans par le Pr Djebli, chef du service des urgences médicales officiellement nommé par la tutelle ministérielle. Cet affichage de deux listes de garde différentes pour le même service et pour la même période pouvant avoir de graves conséquences en termes de délimitation des responsabilités dans une structure médicale à risques majeurs, le Pr Djebli avait, à l'époque, tenu à informer le procureur général et à rendre compte à la tutelle ministérielle de la situation que traversait son service. Une tutelle qui, à travers ce qui se passe à l'hôpital d'Oran, semble encore dans l'incapacité d'assumer efficacement sa mission d'orientation et d'assistance aux grandes structures locales de santé publique. A chacune de ses visites au Chuo, dont la dernière remonte à une dizaine de jours à peine, le ministre de la Santé, M.Amar Tou, a fermement invité la communauté médicale à «dépasser les conflits personnels» et à «oeuvrer collectivement pour le seul intérêt des malades». Un discours qui, à l'évidence, ne pouvait recevoir l'écho favorable escompté, face à l'accumulation des problèmes et des situations conflictuelles que vivent la plupart des grands services hospitaliers. De la maternité aux UMC, en passant par la cardiologie, la chirurgie infantile, la chirurgie thoracique, le service néphrologie, le service gastro-entérologie et même la médecine légale, la plupart des chefs de services médicaux évoquent et dénoncent certaines «décisions et initiatives de la DG jugées incompréhensives et hasardeuses» et parfois même «humiliantes». Au-delà des arguments des uns et des autres, ces remous internes, qui ne contribuent en définitive qu'à discréditer davantage le CHU d'Oran au sein de l'opinion publique, traduisent surtout cette hallucinante «fatalité de l'échec» entretenue sur le terrain oranais de la santé publique... «Qui peut avoir intérêt à entraver le bon fonctionnement du Chuo, en général, et des UMC en particulier», s'interroge-t-on aujourd'hui à Oran.