L'arrivée de Abdelkader Bengrina en deuxième position lors de la dernière élection présidentielle lui a donné des ailes. L'unique candidat islamiste a aussitôt avancé - parmi ses lectures des résultats - que son parti, Mouvement El Bina El Watani, s'est frayé un chemin parmi les grands en devenant l'une des premières forces politiques du pays. Une nouvelle donne qui a aiguisé l'appétit de ce leader et de son parti pour d'éventuelles missions, notamment au sein de l'Exécutif, d'où l'opération de charme qui s'en est suivie en direction des nouveaux dirigeants. L'ancien candidat a, en effet, commencé par annoncer son soutien au nouveau président élu, Abdelmadjid Tebboune, lors de la cérémonie organisée, à Setif, à la mémoire du défunt Ahmed Gaïd Salah. Un soutien rendu public le jour de la nomination du nouveau Premier ministre. Il a estimé, au passage, que le scrutin du 12 décembre allait «consolider les constantes et valeurs nationales et concrétiser les aspirations du peuple». Le président du parti islamiste a, par la suite, fait part, de manière unilatérale, de la disponibilité de son parti à la participation de la composante du futur gouvernement. Tout en affirmant qu'il n'a pas été contacté par le nouveau Premier ministre, Abdelaziz Djerad, ni par aucun autre responsable à ce sujet, il a tout de même posé ses conditions en cas d'une éventuelle sollicitation. Parmi ses exigences «la nécessité de généraliser l'usage de la langue arabe, et la prise en charge des revendications des jeunes du Hirak». Autre condition, «la levée de l'injustice sur le citoyen pour bâtir une Algérie nouvelle loin des pratiques du passé».L'annonce de l'équipe ministérielle de Djerad n'a pas atténué les ambitions de Bengrina malgré ses vaines offres de service. Affichant une capacité d'adaptation, il a exprimé sa satisfaction quant à cette composante, affirmant que «le mouvement El-Bina, eu égard à la situation actuelle, soutient ce gouvernement pour l'intérêt national, même s'il n'en fait pas partie». Ainsi, le transfuge du MSP, poursuivant son rapprochement en direction du président de la République, s'inscrit aussitôt dans une autre démarche initiée par celui-ci, à savoir, le dialogue. Il a, à ce titre, appelé, dans un discours prononcé lors d'un meeting populaire à Jijel, à « l'ouverture d'un dialogue véritable et global, non exclusif, transparent et souverain qui consacrera les revendications du Mouvement populaire, en conformité avec la plate-forme de Aïn Bénian, au vu de sa globalité et sa diversité». Bengrina a indiqué que «grâce à ce dialogue, une opportunité sera offerte pour élaborer une Constitution respectant les libertés individuelles, consacrant le principe de séparation des pouvoirs, accordant au Parlement son droit de législation et de contrôle et rassemblant tout le peuple». Une déclaration assimilée à l'appui supplémentaire et sans condition à un autre projet cher à Abdelmadjid Tebboune, qui devrait être lancé incessamment. Par ailleurs, dans sa course d'entrisme à tous les niveaux, l'ex-poulain de feu Mahfoudh Nahnah, met en parallèle le cap sur les assemblées élues. Il a appelé, dans ce sens, à «la dissolution de toutes les assemblées, à commencer par le Parlement avec ses deux chambres, qui ne représentent aucunement la volonté du peuple», selon lui. Et d'ajouter «qu'il faut organiser des élections anticipées propres et transparentes afin d'élire des dirigeants compétents et intègres». El Bina qui a «obtenu plus de 1,5 million de voix des Algériens, se projettera dans les échéances à venir pour contribuer à l'édification de l'Algérie nouvelle», a-t-il encore indiqué. En multipliant les déclarations et les engagements, la direction du Mouvement El Bina El Watani cherche par tous les moyens à être un acteur à part entière, aussi bien au sein de l'appareil de l'Etat qu'aux côtés du Mouvement populaire. Cette conduite confirme les prémices d'une reconfiguration du champ politique national. Il s'agit d'une nouvelle tendance qui fait émerger des formations politiques, jusque-là peu influentes, mais légitimées à la lumière du dernier scrutin pour jouer un rôle plus important, d'autant plus que les partis traditionnels largement décrédibilisés par des scandales perdent du terrain.