Cela se passe un certain 3 février 2016 au terrain vague de la cité du 11-Décembre à Dély Brahim. Deux généraux, Athmane et Saïd ont décidé de récupérer un terrain où des enfants du quartier jouent au football, pour y construire deux villas. Or, cela aurait pu passer, n'était-ce la détermination de ces braves enfants qui vont s'opposer à ce sombre dessein en menant un dur combat contre ces deux hommes, symbole hiérarchique du système et du régime des anciens. Car faut- il le noter, ces deux hommes sont deux généraux à la retraite qui pensent que tout leur est acquis. Djamil, Mehdi et Ines vont se constituer en faction, aidés d'une quarantaine d'enfants, et partent à la rescousse pour empêcher les deux généraux de les déloger de leur terrain de jeu. La scène se passe devant les yeux de la moudjahida Adila, mais aussi de la folle du quartier, aux cheveux rouges. Innocence intrépide Les cinq amis vont ainsi s'interposer devant les deux bonhommes. Youcef, la vingtaine d'années, qui s'oppose en premier aux deux généraux est réprimé par ses parents. Son père Mohamed est en fait un ancien colonel à la retraite qui a décidé de lancer un parti politique d'opposition contre le président et le régime en place. La police s'en mêle, les médias aussi. On en parle même sur les réseaux sociaux. Mais comment arrêter ces enfants pas plus hauts que trois pommes et leur faire changer d'avis ? Des mineurs que l'on ne peut pas mettre en prison. Si Youcef est déterminé à poursuivre le combat, tous les gamins le sont encore plus, même si l'on finit par les détourner de ce terrain lors d'un accident criminel… Fable réaliste Cette histoire qui peut s'apparenter à une fable est le récit du dernier roman de Kaouther Adimi, sorti durant le Sila 2019. Comment rester de marbre face à cette histoire qui prend lourdement du sens, car elle fait largement écho à ce que traverse le pays? A forte raison, au regard de la bravoure de ces enfants que l'on pense « naïfs » alors que leurs «parents» restent indifférents et finalement moins courageux que leurs progénitures. Il y eut les enfants de novembre et maintenant ceux de «Décembre», martèle ce livre plein d'émotion. Un livre qui se laisse lire facilement comme ces notes qu'inscrit Adila la moudjahida sur son cahier intime. Sentant sa santé fragile, cette dernière décide d'écrire ses mémoires et ainsi nous rappeler ce par quoi est passé le pays durant la décennie noire, le cauchemar de la tragédie et sa déception de voir le pays sombrer dans une certaine mélancolie passive. Or, coup de théâtre, si le flambeau ne viendra pas des parents, meurtris dans l'âme et le corps, aujourd'hui la relève sera bel et bien «jeune». Ecriture fluide Ces jeunes qu'on a souvent sous-estimés, dénigrés, voire bannis de la réalité. A l'instar de ceux qui sortent depuis le 22 février dans la rue…Du moins c'est ce que notre esprit nous invite à convoquer spontanément lorsqu'on songe à cette guerre des générations dans ce roman pétri de génie. Les petits de Décembre, ce nouveau-né romanesque de Kaouther Adimi se lit comme un livre anticipateur, sorti tout droit des tripes, si touchant et si clairvoyant à la fois. Une nouvelle étape franchie chez cette jeune écrivaine qui n'en finit pas de nous surprendre. Un livre qui fait du bien et qui donne du baume au cœur, paradoxalement, malgré sa fin un peu brutale et triste mais qui, cependant, invite à plus forte raison à l'espoir, à la force de persévérance et à la lutte…et qu'adviendra demain !