Une délégation iranienne se trouve dans la capitale russe pour arriver à une issue à la crise. Les négociations qui se sont ouvertes hier à Moscou semblent constituer le dernier pourvoi pour trouver une solution équitable à la crise du nucléaire iranien qui perdure depuis plus de trois ans. Tout tourne en fait autour du droit de Téhéran d'avoir des activités connexes à l'énergie nucléaire -comme lui en donnent le droit les protocoles du TNP (Traité pour la non-prolifération du nucléaire)- mais contesté par l'Occident qui y voit en revanche une brèche qui donnerait à l'Iran d'accéder à la maîtrise, en amont et en aval, de la technologie nucléaire, c'est-à-dire d'avoir la capacité de fabriquer la bombe nucléaire. Tout est là en fait: jusqu'où un pays qui ne fait pas partie du cercle occidental a le droit de pousser ses recherches dans des secteurs sensibles comme le nucléaire? La question est plus que jamais d'actualité. De fait, toutes les pressions de l'Occident depuis trois ans ont eu un seul objectif, dissuader l'Iran de poursuivre des recherches ayant un lien avec la maîtrise en amont de la technologie nucléaire dont l'enrichissement en constitue l'un des paliers essentiels. Du coup, un dialogue de sourds s'est instauré entre l'Iran et l'Occident, via la troïka de l'UE (Allemagne, France, Grande Bretagne) et l'agence de sécurité nucléaire de l'ONU, l'Aiea. Aussi, avant que le dossier iranien ne soit examiné par le Conseil de sécurité, avec le risque de sanctions qui pend au nez de Téhéran, la Russie a proposé un compromis qui s'apparente à un pis-aller, traiter l'enrichissement de l'uranium iranien dans des usines en Russie. Plan avalisé par l'Occident qui y voit une porte de sortie susceptible de rétablir la «confiance» dans le nucléaire iranien. A ce propos, le ministre iranien des Affaires étrangères Manouchehr Mottaki a déclaré hier à Bruxelles -faisant allusion autant aux Etats-Unis qu'à l'Europe, qui évoquent beaucoup le mot «confiance»- «Nous croyons qu'établir la confiance est un chemin dans les deux sens, pas dans un seul sens». Aussi, le compromis russe, assez boiteux a peu de chances d'être accepté par l'Iran qui n'a cessé ces dernières semaines de répéter son droit à une activité d'enrichissement «à petite échelle», dans un but de «recherche scientifique», droit qui n'est pas négociable affirme Téhéran. Le plan russe soutenu par les Européens, doit selon eux, fournir à l'Iran du combustible nécessaire à ses centrales nucléaires, et l'empêcher dans le même temps de maîtriser le procédé d'enrichissement. Donc, la finalité pour l'Occident est bien d'interdire à l'Iran, y compris par ses seuls moyens, de développer ses capacités scientifiques. Ce que le secrétaire d'Etat adjoint américain, chargé de la non-prolifération, Robert Joseph, ne cachait pas lorsqu'il affirmait la semaine dernière que l'Iran est capable de développer «une arme nucléaire par lui-même» et «les moyens de lancer ces armes», focalisant ainsi sur le seul aspect militaire du nucléaire iranien,.soulignant dès lors la «nécessité de freiner» le régime iranien «par tous les moyens». Le haut responsable américain relève par ailleurs «L'Iran a des ressources énormes, des ressources financières énormes, et l'Iran a une communauté scientifique et technique très sophistiquée, très avancée». Les pressions sur l'Iran rappellent en fait celles qu'a subies l'Irak dans le courant de l'année 1990. De fait, lors de la guerre du Golfe, 17 janvier 1991-20 février 1991, l'aviation américaine s'est essentiellement acharnée sur les hôpitaux, les centres de recherche et les universités irakiens avec pour objectif de tuer le plus possible de «cols blancs» irakiens, tant il est vrai que l'on peut remplacer rapidement une usine détruite, alors qu'il faut des générations pour former un scientifique. Et voilà que M.Joseph, ministre américain, regrette que l'Iran dispose de scientifiques capables et compétents. Beaucoup de pays occidentaux, ou encore Israël, maîtrisent les technologies du nucléaire sans susciter outre mesure les inquiétudes des gardiens de «l'ordre nucléaire» mais il a suffi que ce soit un, ou des, pays musulmans, qui cherchent à accéder à ce savoir pour que se soit la levée de boucliers. Dès lors, il est patent que les négociations, conduites par Ali Hossein Tash pour l'Iran et Valentin Sobolev pour la Russie, dans la perspective de l'application du plan russe, seront difficiles tant il est peu probable que l'Iran renonce à son droit à l'enrichissement comme le lui permet le TNP dans son actuelle énonciation. De fait, les Russes restent prudents quant à l'issue de ces négociations, à l'instar du chef de la diplomatie russe, Sergueï Lavrov, qui indiquait hier «Notre pronostic est, pour parler ouvertement, réservé, mais nous ferons tous les efforts nécessaires pour ne pas permettre à la situation de s'aggraver et d'évoluer vers une solution de force».