Aussitôt adoptés par le conseil des ministres et publiés au JO, les textes portant réconciliation nationale entrent en vigueur. Ils sont quelque 30.000 islamistes concernés par l'application des textes de loi portant sur la réconciliation nationale, si l'on prend en ligne de compte les repentis, qui avoisinent les 8000 personnes, les prisonniers, estimés à près de 8000 qui ont été définitivement condamnés, les terroristes encore en armes, principaux concernés par l' «offre de paix» et dont le nombre côtoie le millier, les handicapés, les familles des disparus - estimés officiellement à 7500 cas de disparition - ou les blessés islamistes de la décennie 1992-2002, les exilés dans le cadre sécuritaire né de l'après- janvier 1992 et enfin, ceux qui sont touchés par les mesures de réinsertion dans leurs fonctions. Une estimation approximative donne un premier chiffre de quelque 30.000 islamistes qui pourront bénéficier des nouvelles mesures législatives. Bien que la direction politique de l'ex-FIS estime être largement exclue du cadre de la réconciliation nationale, la base, hormis quelques-uns, tels les anciens détenus des camps du Sud, a été dans une très large mesure satisfaite. Evidemment, le recensement et le recouvrement total des droits civiques des islamistes demeurent un travail de longue haleine. C'est donc pratiquement plus de cinq mois après le référendum sur la charte pour la paix et la réconciliation nationale, projet largement plébiscité par le peuple algérien, et alors que tout le monde attend les premières applications des textes de loi, les autorités civiles vont débuter, dès publication au Journal Officiel des textes de loi, des consultations administratives et se lancer dans des opérations de recensement des victimes de la tragédie nationale et des ayants droit. Les Assemblées populaires communales seront les premières institutions de l'Etat à se charger de ces opérations. Les directions de la protection sociale au niveau des wilayas commenceront elles aussi à envoyer aux APC des formulaires de «recensement relatifs à la situation des victimes de la tragédie nationale». La correspondance précise que «dans le cadre de la charte pour la paix et la réconciliation nationale et de la préparation du programme de prise en charge des problèmes des familles victimes de la tragédie nationale, notamment la situation et le recensement des ayants droit», il est exigé des APC de procéder à ce qui suit: - le recensement des victimes du terrorisme - les familles de disparus - les familles de repentis - les veuves se trouvant dans une situation sociale précaire - les familles des victimes des événements qui ont secoué certaines régions d'Algérie et qui se trouvent dans des situations difficiles. En fin de document, il est précisé le caractère difficile de cette opération et son «extrême importance», car elle intéresse de «larges couches sociales» et intervient dans un «contexte déterminant». Aussi, la même correspondance est envoyée pour information et suivi au wali et au secrétariat général de la wilaya. Dans les formulaires-types mis à la disposition des victimes et des ayants droit, on retrouve deux sortes de fiches de renseignement: celle des victimes et celle de la situation actuelle du responsable de la famille «éprouvée par le drame national». Tout intéresse l'Etat: le nom de la victime, sa date de naissance, sa fonction actuelle, la nature du préjudice: victime du terrorisme, famille de disparu(s), repenti, disparu, veuve, terroriste ou autre, ainsi que la nature de son drame: assassiné, violée, blessé, handicapé, la nature du handicap, etc. Puis, aussi, la date de l'événement, son contexte, son lieu, etc. Ainsi, chaque formulaire rempli par la victime, sa famille ou ses ayants droit, doit être accompagné de toutes les pièces justificatives qui donneraient crédit au dit formulaire. Ce n'est qu'après que commencera le travail de vérification des renseignements généraux de la police, du DRS et de la Gendarmerie nationale, les trois services aptes à vérifier, sur la base des procès-verbaux en leur possession, le fondé du formulaire. Les tribunaux interviendront aussi en aval à chaque fois qu'il sera utile de vérifier la situation du repenti vis-à-vis de la loi et là aussi, un travail complexe attend les juridictions compétentes car tous les repentis n'ont pas le même statut. Les trois vagues successives de repentis qui ont mis fin aux hostilités dans le cadre de la loi sur la rahma, dans le cadre des accords ANP-AIS, ou dans le cadre de la concorde civile, ont connu des fortunes diverses et ne bénéficient pas des mêmes droits civiques. Les nouveaux textes prévoient un assainissement administratif total de tous les dossiers. Un des chapitres les plus significatifs de cette charte pour la paix civile, malgré toutes les critiques qu'on peut lui porter, est sans conteste celui de la prise en charge des familles éprouvées par la tragédie nationale. Les nouveaux textes prévoient une indemnisation pour ces familles sous forme d'une aide versée mensuellement ou sous forme d'un seul versement de la globalité de l'indemnisation. C'est la Caisse spéciale de l'Etat destinée à ces familles qui, par le biais de la wilaya, se chargera de verser l'argent aux ayants droit.