Fattani a rappelé aux trois juges que la tutelle avait mis fin aux fonctions du directeur général... Condamné en première instance à une amende, Ahmed Fattani, le directeur du quotidien L'Expression, a interjeté appel. Dimanche, il est debout face à Hassan Naoui entouré de ses deux conseillers. Les poursuites entamées par Benkaïdali, alors directeur général de l'Enps, qui n'a pas apprécié l'article paru en décembre 2004, interpellant M.Ahmed Ouyahia, chef du gouvernement, sur les graves dysfonctionnements qui caractérisaient l'Enps. Fattani, en journaliste patriote soucieux du devenir de l'Algérie, a dénoncé le fait que ce patron, son épouse et sa fille aient été invités en France. Et cette invitation sonnait comme de la corruption. D'ailleurs, à la suite de la parution de cet article, Benkaïdali fut suspendu de son poste à l'issue d'une enquête administrative entreprise par le ministère de tutelle. L'ex-directeur général de l'Enps a répété que le directeur général n'était en aucun cas mêlé à une quelconque opération de privatisation de l'Enps. D'ailleurs, les deux conseils de Benkaïdali ont repris ce passage outre le fait que l'article n'avait aucun fond d'informations. Fattani, lui, a été prié de reprendre la moelle du papier: «J'ai fait mon travail d'information, mon métier de journaliste, tirant la sonnette d'alarme sur la corruption.» La défense de Benkaïdali a affirmé que l'invitation en France était basée sur l'obtention rapide du visa. «Notre client n'a aucune relation avec les étrangers sans l'aval de la tutelle.» S'accrochant à la bonne foi du papier en question paru en Une dans L'Expression, Fattani a rejeté du revers de la main les poursuites entreprises par Benkaïdali, alors directeur général de l'Enps, disputée farouchement depuis un quart de siècle par Mohamed Chérif Ould Hocine, légitime propriétaire de l'entreprise que le moudjahid considère comme étant son bébé né en 1975 sur un dossier solide qu'il détient encore, convaincu que le combat ne cessera qu'après la restitution de l'entreprise. Par ailleurs, Ahmed Fattani, que le président avait invité à faire bref, a tout de même réussi à passer le message sur l'alerte tirée en direction des pouvoirs publics: «La preuve? Benkaïdali s'est vu mis fin à ses fonctions car l'information sur l'invitation par une entreprise française à lui et sa famille a été confirmée puisqu'il a été sanctionné. Nous avons la conscience tranquille, car si nous ne l'avions pas fait, à quoi aura servi d'avoir créé un quotidien d'informations?» aajouté Fattani. Ould Hocine, témoin, n'a pas été entendu. Me Fatnassi pour Ahmed Fattani avait, au début, introduit des questions de procédure autour de la domiciliation du dossier. Ensuite, entamant sa plaidoirie, l'avocat de la rue de la Liberté s' est lancé à bride abattue contre l'inculpation et la personnalité juridique des plaignants. «M.Benkaïdali n'est pas une personne morale», a martelé le conseil qui est revenu aux faits reprochés à son client. «Oui, l'info était vraie. Elle a existé. Il y a eu un fax et notre client a alerté l'opinion publique sur les agissements d'un directeur général d'une entreprise publique», a encore crié Me Fatnassi, qui a encore enfoncé le clou en reprenant l'intérêt public qui reste au-dessus de tout autre considération.M.Fattani a joué son rôle de journaliste d'investigation. «En le condamnant, on risque de ligoter la corporation, et plus personne ne jouera son rôle», avait lancé Me Mohamed Mentalechta, qui a demandé la relaxe pour Fattani, qui n'a diffamé personne durant les trente-sept années de bon journalisme. Avant de s'écrier que dans cette affaire, quelque chose d'irrégulier s'est passé, le défenseur a redit sa confiance en la justice qui juge les personnes selon les délits commis. «Dans ce dossier, il n'y a aucun délit et l'entreprise publique ne peut être partie civile.» Si délit il y avait, il s'agirait de dénonciation calomnieuse, pas de diffamation. «En deux mots, M.le président, le fait matériel de la diffamation est absent. Un cadre de la nation qui vient ici à la barre vous raconter qu'il devait négocier un partenariat et qu'il avait besoin d'un visa. Oui, mais alors, pourquoi ne pas avoir pris des collaborateurs et former une délégation algérienne au lieu de prendre madame et sa fille?», a articulé Me Mentalechta qui a salué, encore une fois, le papier d'un journaliste qui a eu la présence d'esprit de jouir de la liberté de la presse qui a déduit que derrière le fax, il y a des choses bizarres. Il a demandé au chef du gouvernement et au ministre de tutelle d'intervenir pour mettre fin aux agissements des cadres. La relaxe a aussi été demandée avec beaucoup d'insistance car, conclura l'avocat des Asphodèles, les arguments de Benkaïdali sont insignifiants, puisqu'il sait, lui, que diffamation point. Fattani, lui, regardait les membres de la chambre pénale comme pour leur demander de bien examiner tant les questions de procédure concernant la forme de la plainte que l'article lui-même.En tout état de cause, le duo d'avocats Maîtres Mentalechta-Fatnassi qu'épaulait Me Rida Houadjli, a mis en exergue l'innocence du journaliste lequel, s'il était condamné, va devoir être bâillonné ainsi que tous les dignes journalistes qui veillent sur l'intérêt supérieur de la nation devant les sombres agissements dont les fruits se font sur le dos du contribuable. Mise en délibéré pour le 5 mars 2006.