L'annonce a été faite par les plus hauts responsables algériens il y a plusieurs jours. L'ancien tribun islamiste et n°2 du FIS-dissous Ali Benhadj a été libéré, hier, par les autorités, après sept mois et demi de détention à la prison d'El Harrach. L'annonce de sa prochaine libération a été faite par les plus hauts responsables algériens, dont le ministre de la Justice lui-même, il y a plusieurs jours. Ali Benhadj avait été auditionné à plusieurs reprises durant les jours qui ont suivi sa mise en détention, mais depuis quatre mois, il y eut un black-out total concernant son sort, ce qui l'avait poussé à entamer une grève de la faim il y a quelques jours. Condamné durant les jours qui ont accompagné le rapt, à Baghdad, des deux diplomates algériens par le groupe d'Abou Mossab Al Zarkaoui, Benhadj devait répondre de trois chefs d'inculpation: apologie de crimes terroristes, incitation au meurtre et publication d'écrits faisant l'apologie du terrorisme. Ces accusations formulées en vertu des articles 41, 87 bis et 5 du code pénal, ont valu à Benhadj sa mise sous mandat de dépôt par le magistrat instructeur près le tribunal d'Hussein Dey. La mise en accusation de Ali Benhadj est intervenue dans un contexte très particulier. C'était le dernier jour de la vie des deux otages algériens enlevés par un groupe armé irakien qui s'est défini comme étant celui d'Abou Mossaâb Al Zarkaoui. Une sentence de mise à mort avait été prononcée contre eux et les autorités algériennes étaient engagées dans une véritable course contre la montre pour les sauver. Sept jours après leur rapt, la chaîne satellitaire arabe, Al Jazeera fait parler Ali Benhadj, considéré comme un des islamistes les plus influents de la mouvance salafiste. Celui-ci déclare: «En accréditant des ambassades et des diplomates dans un pays sous occupation, leur Etat ne fait que légitimer cette occupation, ce qui est inacceptable aux plans de la charia et de la politique». Les preneurs d'otages de la résistance sont salués comme des «moudjahidine sur le sol de la résistance en Irak, que Dieu les aide à faire face, avec fermeté et détermination, à l'occupant spoliateur, à ses agents et à ses acolytes (...) d'autant que l'histoire vous a appris que le djihad et la résistance sont la seule réponse à l'occupation». Pour son malheur, les otages sont exécutés au même moment. Les Algériens sont complètement choqués et abattus par cet «acte de guerre». Immédiatement, et suite à ses déclarations, Ali Benhadj est placé en détention provisoire, et la perquisition faite en son domicile et en celui de son frère permet, selon un magistrat instructeur, de trouver des documents en relation avec ces déclarations. Abdelhamid est aussi placé sous contrôle judiciaire pour «publication d'écrits faisant l'apologie du terrorisme», selon les propres termes de la notification du tribunal d'Hussein Dey. Le collectif des avocats de Ali Benhadj, constitué de Me Zouita et Lahbib Benhadj, frère de Ali, a toujours considéré que les propos de Ali Benhadj ont été sortis de leur contexte, et de ce fait, totalement déformés, et que la principale phrase dite par Ali Benhadj lors du bref passage à l'antenne d'Al Jazeera, à savoir, «j'émets une demande - concernant la libération des otages - et j'espère qu'elle sera prise en compte», a été délibérément et complètement occultée. Pour étayer cette issue salutaire pour leur mandant, ils mettent en avant «l'enregistrement du passage du cheikh sur Al Jazeera, et qui est entre les mains de tous». Pour les analystes les plus avisés, l'intervention de Benhadj était venue comme un «cheveu sur la soupe» pendant que tous les Algériens avaient le coeur accroché à la décision des preneurs d'otages d'exécuter ou de libérer les deux diplomates, puis son incarcération est venue encore s'insinuer dans la vie politique comme un autre événement aussi regrettable qu'inattendu, au moment où le débat sur la réconciliation nationale et l'amnistie générale -qui concerne principalement les islamistes- devait entamer sa dernière ligne droite. La libération de Benhadj renseigne sur la volonté du président Bouteflika d'en finir avec les animosités et les luttes sourdes et interminables entre les islamistes et les éradicateurs. La mise en application des textes de loi portant paix civile et réconciliation nationale, certes diversement appréciée, peut amener à plus d'apaisement après une décennie de guerre fratricide.