Les anciens détenus sont venus en nombre attendre la libération de Layada. Des anciens détenus des prisons d'El-Harrach, de Ouargla, de Berrouaghia et d'autres contrées sont venus en nombre attendre la libération d'Abdelhak Layada. Dès le matin, ils déambulent dans les ruelles de Bab Jedid. Au fur et à mesure que le temps passe, des véhicules déversent du monde sur la chaussée. Sa famille, ses proches, de simples militants de l'ex-FIS attendent la sortie du fondateur du Groupe islamique armé (GIA). Les journalistes, eux aussi, attendent. Barberousse leur donne du flanc. Son regard se perd dans la mer. Autour de lui, peu de traces des pirates qui avaient pignon sur rue. Une fontaine, des lézardes sur les murs, des ruelles tortueuses qui descendent en pente vers la mer. Les derniers visiteurs quittent la prison. Les barbus flânent en guettant les derniers. «Quand les visites seront finies, ils lâcheront les prisonniers», lance l'un d'eux. Parmi les gens qui attendent, il y a beaucoup d'anciens détenus. Certains ont quitté tout récemment Serkadji. Ils sont marqués à vie par leur passage dans cette prison. Ils ont vécu la mutinerie du 21 février 1995 qui avait fait 93 morts parmi les détenus et 4 gardiens, rappelle-t-on. Ils se souviennent encore des menus détails de cette mutinerie. Puis ils ont vécu une autre mutinerie qui s'est répandue à travers d'autres prisons en 2002. Ils sont venus à la rencontre d'un des leurs, peut-être le plus important. Il s'agit de Layada. Il résume à lui seul l'histoire de l'islamisme armé en Algérie. Il est le père fondateur du GIA. Les anciens de Serkadji sont venus à sa rencontre parce qu'il avait servi d'intermédiaire entre les services de sécurité et les prisonniers lors de la mutinerie de Serkadji, avec Abdelkader Hachani. C'est une forme de reconnaissance. Hachani et Layada ont fait une proposition qui devait leur «permettre d'établir le contact avec les différents pavillons», en vue de trouver une issue pacifique à la crise, confie-t-on. «Les deux parties ont convenu d'un accord sur les propositions et aucune victime n'a été signalée durant plus de dix heures de négociations». Avec l'aide d'une troisième partie constituée d'avocats, la cellule de crise devait leur permettre de réintégrer les prisonniers dans leurs cellules. Mais les négociations ont été rompues dans l'après-midi et la mutinerie a pris un virage dangereux dont les résultats sont connus. Les coups de feu ont été entendus, sans interruption, pendant près de vingt heures. Pour les islamistes, l'objectif était la liquidation pure et simple des figures de proue du mouvement islamiste radical. Pour les autorités, les responsabilités sont partagées. La télévision nationale a montré Lembarek Boumaarafi et Abdelhak Layada. Une manière de dire qu'il s'agit bel et bien de mutinerie. Pourtant les noms comme Cherati, El Oued, Tadjouri, le fils de l'avocat Si Mozrag et beaucoup d'autres sont morts ce jour-là. Certains ont été enterrés sous «X». Layada est accueilli aujourd'hui en héros par les siens. Il bénéficie des mesures d'application de la Charte pour la paix et la réconciliation plébiscitée par le peuple le 29 septembre dernier. Ceux qui l'ont attendu tout au long de la journée continuent de croire qu'ils n'étaient pas dans leur tort lorsqu'ils se sont dressés contre le pouvoir et qu'ils sont libres par la volonté de Dieu.