La conteuse était l'invitée d'honneur, dimanche dernier, du café littéraire de la Bibliothèque nationale d'Alger, à l'occasion de la Caravane du livre. Il était une fois...une dame qui aimait conter. Et comme elle avait un don spécial pour la narration, elle décida de vivre une histoire d'amour particulière avec son public. Cette femme, Nora Aceval, franco-algérienne, est joliment appelée conteuse traditionnelle. De celles qui vous emmènent dans les cieux du merveilleux pour «raconter le fictif comme si c'était vrai». Une vocation qui n'était pas forcément une évidence à ses débuts. «J'ai cessé d'être infirmière le jour où, au détour d'une salle universitaire, j'ai commencé à raconter une histoire. A la fin du conte, je suis restée figée lorsque j'ai vu les dizaines de regards fixés sur moi. C'était ma première fois». Depuis, Nora a fait du chemin et cela fait 16 ans qu'elle exerce cette passion, après avoir validé une maîtrise de lettres modernes en France. «Dans ma famille, il n'était pas rare qu'on se rassemble en veillée pour écouter les paroles envoûtantes d'une mère, d'une grand-mère ou bien d'une tante.» révèle-t-elle avec nostalgie en pensant à cette tribu des Ouled Sidi Khaled. Consciente de ce potentiel familial, elle décida alors de mettre un point d'honneur à sauvegarder ce riche patrimoine oral. Depuis, elle collecte minutieusement ces précieuses mémoires transmises en arabe, berbère ou français. Un contexte des mille et une nuits propice à l'évasion dans les hauteurs de Tiaret, aux portes du désert. Les frontières entre le réel et le surnaturel s'estompent pour mieux apprécier le monde qui nous entoure. Ainsi, il n'est pas impossible de croire que, si l'âne à une petite auréole blanche autour de son museau, c'est tout simplement parce qu'il s'est approché très près du paradis. Il s'est aussitôt ravisé après avoir entendu les cris des enfants! Un avant-goût appréciable de ce qui attend le lecteur dans ces nombreux contes dits étiologiques. «Il devenait très urgent de transcrire ces paroles pour que la dynastie des conteurs se perpétue même dans cette société toujours plus moderne». De cette prise de conscience sont nés plusieurs recueils de contes initiés en 2003 à l'occasion de l'Année de l'Algérie en France. L'Algérie, toujours à l'honneur donc, à travers L'Algérie des contes et légendes (éditions Maisonneuve et Larose), Contes et Traditions d'Algérie (édition Flies-France) et, plus récemment, Contes du djebel Amour (éditions Seuil jeunesse) paru en février dernier. Des recueils uniques, ludiques, légers mais surtout chargés de magie à chaque ligne; pour tous ceux qui veulent rester un peu plus longtemps dans le monde de Peter Pan, celui de l'enfance et de l'insouciance éternelle. D'ailleurs, Nora assure qu'«avec ces contes, l'imagination est éveillée et stimulée. C'est une étape essentielle pour l'épanouissement de l'enfant». Rêveuse dans l'esprit mais rationnelle dans sa démarche, Nora compte bien perpétuer cette tradition populaire en Algérie et en France. D'ailleurs, une série de représentations aura lieu à travers l'Hexagone dans les semaines à venir. A découvrir sans plus tarder pour s'octroyer une pause de poésie appréciable qui vous emportera loin de toutes préoccupations trop rationnelles.