Ils s'en vont les femmes et les hommes amis de l'Algérie, les uns après les autres. Ils s'en vont celles et ceux qui ont sauvé «l'honneur de la France». Celles et ceux qui ont dit non à la torture durant la guerre d'Algérie. Celles et ceux qui ont pris la défense des militants algériens, sans calculs, hormis leur engagement pour les causes justes, pour la lutte des peuples colonisés épris de liberté. Simone de Beauvoir, Jean-Paul Sartre, Germaine Tillon, Henri Alleg, Roger Hanin, Hervé Bourges, Guy Bedos...et Gisèle Halimi qui vient de nous quitter le 27 juillet, ironie du sort, le lendemain de son 93ème anniversaire représentant ces voix précieuses, symboles de la lutte anticolonialiste. Le nom de Gisèle Halimi restera lié à celui de la moudjahida Djamila Boupacha, figure emblématique de la guerre de libération, qu'elle a défendue dans un procès retentissant. Accusée d'avoir déposé une bombe à la Brasserie des Facultés à Alger le 27 septembre 1959. Elle fut arrêtée à l'âge de 22 ans le 10 février 1960 en compagnie de son père, de son frère, de sa soeur et de son beau-frère. C'est son frère qui alertera Gisèle Halimi qui décidera de la défendre. Son procès connaîtra un retentissement international. De grandes figures de l'art et de la littérature y seront associés. Simone de Beauvoir rédigera le 2 juin 1960 une tribune dans les colonnes du journal Le Monde intitulée «Pour Djamila Boupacha». L'affaire prit une ampleur médiatique et internationale inouïe lorsque, dans la foulée de cette initiative, un Comité pour Djamila Boupacha fut créé en juin 1960. Présidé par Simone de Beauvoir et qui comprenait parmi ses membres des noms prestigieux: Jean-Paul Sartre, Louis Aragon, Elsa Triolet, Gabriel Marcel, Geneviève de Gaulle, Aimé Césaire, Germaine Tillon... Dans la foulée paraîtra le livre «Djamila Boupacha» cosigné par Gisèle Halimi et Simone de Beauvoir qui obtiendra un soutien exceptionnel dont celui du célèbre Pablo Picasso qui illustra sa couverture avec le portrait de Djamila Boupacha. Des prises de position qui serviront à dénoncer la torture en Algérie. Djamila Boupacha sera malgré toute cette campagne médiatique remarquable condamnée à mort le 28 juin 1961 puis sera libérée le 21 avril 1962 dans la foulée des accords d'Evian signés un mois auparavant. L'engagement de Gisèle Halimi pour les causes justes a jalonné sa vie à un rythme qui n'a pas perdu d'intensité, qui a fait résonner toutes les voix des peuples opprimés. Militante de l'indépendance de la Tunisie, le pays qui l'a vu naître, elle a aussi présidé une commission d'enquête sur les crimes de guerre américains au Vietnam. En France, elle restera la «défenseuse passionnée des Droits des femmes». Dans l'hommage que lui a rendu le journal Le Monde. Il citera l'affaire, en 1972 de cette jeune fille de 16 ans, Marie-Claire, et sa mère qui l'a aidée à avorter, sont poursuivies en justice, que la célèbre avocate défendra. Elle obtiendra la relaxe pour la jeune fille, sa mère sera condamnée, mais dispensée de peine. «C'est une grande avancée vers la loi sur l'interruption volontaire de grossesse, qui, portée par Simone Veil après l'élection de Valéry Giscard d'Estaing, sera promulguée en janvier 1975», écrira le journal français. Dans un entretien qu'elle accordera à ce média à l'âge de 84 ans elle dira: «La seule crainte, si l'on est en bonne santé, est celle de la faiblesse intellectuelle. Or je me sens en pleine capacité. Plus riche même, de l'expérience. Bien sûr, il y a certaines limites», puis citant Marguerite Yourcenar, qu'elle admirait, elle déclarera vouloir mourir comme elle avait vécu: «Les yeux ouverts». Elle les a pourtant fermés pour l'éternité le 27 juillet.