Le gouvernement Hassan Diab va-t-il survivre aux évènements qui secouent le Liban depuis la catastrophe du port de Beyrouth? C'est la question que tout le monde se pose, alors que quatre ministres ont déjà rendu leur tablier tandis que la colère de la rue ne cesse de prendre de l'ampleur. Rendue responsable de ce drame, toute la classe politique est sous pression, même si les dirigeants des formations les plus influentes cherchent à tirer des dividendes, chacun de son côté. Accusées d'incompétence et de corruption, les autorités libanaises n'ont pas d'autre choix que de répondre par services d'ordre interposés, ce qui risque de donner lieu à de nouvelles tragédies après les 160 morts et les 6000 blessés dans les explosions qui ont détruit une partie de la capitale. La grande question qui domine les esprits, quelle que soit la tendance à laquelle ils appartiennent, concerne le pourquoi du stockage de cette énorme quantité de nitrate d'ammonium pendant des années. Une question qui pose problème tant le gouvernement semble impuissant à y répondre. Le Premier ministre, Hassan Diab, a lui-même reconnu la défaillance, en parlant de l'absence totale des «mesures de précautions» qui auraient dû accompagner ce stockage à haut risque. Conscient des enjeux et des manipulations, le président Michel Aoun a écarté catégoriquement les suggestions d'une enquête internationale, formulées notamment par son homologue français en visite impromptue à Beyrouth pour y prendre le pouls de la situation et également par les Nations unies. Cette position est à la fois juste et responsable, car elle ferme la porte à des ingérences dont on connaît le point de départ sans pouvoir évaluer les conséquences ultérieures. N'est-ce pas aux Libanais qu'il appartient de mener leur propre enquête, en faisant confiance à leurs experts? Pour l'heure, il s'agit de panser les blessures et de se préparer aux inévitables changements qui vont se produire dans les prochains jours, voire les prochaines heures. Compte tenu de la dimension du drame national et de la colère suscitée, tout indique que le gouvernement Diab va bel et bien tomber, surtout que le ministre des Finances, Ghazi Wazni, a rejoint hier, ses trois collègues qui ont démissionné, à savoir la ministre de la Justice Marie-Claude Najm, celle de l'Information, Manal Abdel Samad et celui de l'Environnement, Damianos Kattar. La Constitution libanaise stipule qu'en cas de départ de plus d'un tiers des membres du gouvernement, celui-ci tombe de fait. Or, Hassan Diab qui a succédé en janvier dernier à Saad Hariri, violemment contesté par le mouvement populaire inédit qui a envahi les rues du pays d'octobre 2019 à janvier 2020, avait eu toutes les peines du monde pour former son équipe. Il a proposé, dès samedi, de nouvelles législatives anticipées, synonymes d'un futur gouvernement représentatif, tout en proposant de gérer les affaires courantes pendant deux mois. À entendre les cris des manifestants qui ont envahi la capitale, durant le week-end, et les appels à la pendaison des responsables du drame libanais, il semble que ce ne soit là qu'un cautère sur une jambe de bois. La contestation populaire ne réclame pas de nouvelles élections, partant du principe que celles-ci sont contrôlées par les forces politiques traditionnelles qui disposent d'une loi électorale pleinement conforme à leurs intérêts. Face aux pressions internes et extérieures, le Liban est plus que jamais à la croisée des chemins.