Le médiateur de la Cédéao, l'ancien président nigerian Jonathan Goodluck, était, hier, à Bamako pour examiner avec les nouveaux dirigeants de la transition les modalités d'un retour à la normale, alors que les exigences de l'organisation ouest-africaine ne semblent pas avoir été pleinement satisfaites. En désignant un colonel à la retraite comme président et en s'octroyant la vice-présidence, le chef de la junte a ignoré, en apparence, les conditions fixées mais il aura eu beau jeu d'expliquer pour quelles raisons la poire a été coupée en deux. Avec l'ancien ministre de la Défense, Bah N'Daw, le CNSP garde clairement le contrôle de la situation, le chef de file de la junte Assimi Goïta, étant également aux commandes en qualité de vice-président chargé des questions de sécurité. Sourd aux protestations du mouvement M5-RFP (Rassemblement des forces patriotiques) qui a conduit la contestation du régime de Ibrahim Boubacar Keïta, le CNSP a maintenu le cap, fort du soutien de certaines capitales engagées, aux côtés du Mali, dans la lutte antiterroriste au Sahel. Celles-ci veulent, en effet, préserver le cadre nécessaire au maintien de leur engagement dans le combat contre les groupes extrémistes, dans ce pays comme dans les pays voisins. Passant outre les fortes pressions qui se sont exercées durant deux semaines pour que soient désignées des personnalités civiles à la tête de la transition, le CNSP n'a pas tardé pour réclamer, haut et fort, la levée des sanctions imposées par la Communauté des Etats d'Afrique de l'Ouest (Cédéao), tout en réaffirmant son attachement aux accords conclu avec les forces internationales présentes au Mali pour combattre le terrorisme. «Nous avons accepté les principes de la Cédéao, à savoir la nomination d'un président civil, puis la désignation d'un Premier ministre. Je pense que dans les jours à venir la Cédéao doit enlever ces sanctions pour le bonheur de la population malienne», a déclaré le colonel Goïta, en marge des cérémonies du 60e anniversaire de l'indépendance du pays. L'ancien ministre de la Défense du président déchu IBK, Bah Ndaw, 70 ans, doit prêter serment demain. Il aura ensuite à désigner le nouveau Premier ministre, dont on ignore encore le nom, en vertu d'une charte discutée et adoptée par le comité chargé d'organiser la transition. Jusqu'à hier soir, la Cédéao n'a pas indiqué sa position sur les récents évènements et notamment le choix de Bah N'Daw, considéré par le chef de la junte comme un civil fiable, même s'il garde en sa qualité de vice-président d'importantes prérogatives pour tout ce qui touche à la sécurité. La Cédéao va-t-elle lever les sanctions appliquées, voici trois semaines, au Mali, exclu de ses organes de décision et de l'accès aux frontières de ses Etats membres, et privé des échanges financiers et commerciaux, à l'exception des produits de première nécessité, des médicaments, des équipements de lutte contre le coronavirus, des produits pétroliers et de l'électricité? Il faudra attendre un sommet de l'organisation ouest-africaine pour savoir si ce pas sera franchi, auquel cas il y aura eu un rapport favorable du médiateur Jonathan Goodluck dont la présence, hier, à Bamako s'avèrait extrêmement délicate, compte tenu des critiques formulées par le M5-RFP qui a dénoncé des «pratiques antidémocratiques et déloyales, dignes d'une autre époque contre lesquelles la lutte pour le changement et la refondation a été déclenchée».