Kadima a remporté les élections mais avec une marge plus serrée que ne le laissaient prévoir les sondages. Ehud Olmert a sans doute gagné son pari de remporter les élections mais il n'aura pas les mains libres comme il l'espérait, en emportant une majorité substantielle, ce qui lui aurait permis de mener à sa guise la politique de «séparation» avec les Palestiniens qu'il préconisait. De fait, Ehud Olmert, Premier ministre par intérim -en remplacement d'Ariel Sharon dans le coma depuis le 4 janvier dernier- a une marge de manoeuvre réduite, même si l'électorat israélien l'a conforté dans sa démarche sans pour autant lui délivrer un chèque en blanc. Les élections législatives ont en revanche consacré l'effondrement du parti de la droite conservatrice, le Likoud, qui a lourdement chuté mardi et la défaite cuisante de l'un des faucons et zélateur du «Grand» Israël, Benjamin Netanyahu. En fait, la fin de mission de Sharon, la sortie peu glorieuse de Netanyahu et la pré-retraite de Shimon Peres -qui joue les rôles d'utilité dans le nouveau parti centriste, Kadima, créé par Sharon, en rupture avec le Likoud- annonce la fin d'une ère en Israël, celle d'hommes ayant, depuis près d'un demi-siècle, imposé leur conception de la paix à toute la région proche-orientale. Il est justement plus que jamais question de paix. Or, celle-ci -comme l'ont montré les échecs répétés d'Israël à décider seul des normes de cette paix- est la résultante de négociations entre les deux parties en conflit et ne peut être imposée comme l'ont vainement tenté de le faire ces dernières années les gouvernements israéliens. Conforté par sa victoire, aussi étriquée soit-elle, ( le Kadima obtient 28 sièges sur les 120 que compte la Knesset (Parlement), les travaillistes 20, le parti orthodoxe sépharade Shass 13 et le parti russophone d'extrême droite Israël Beiteinou 12, le Likoud (droite) 11, selon les données de la Commission électorale), Ehud Olmert, veut poursuivre la séparation entreprise par Sharon -qui imposa le retrait de Ghaza l'an dernier- et devait s'attaquer aux colonies de Cisjordanie avant que la maladie n'en décide autrement. Mais Olmert -premier responsable israélien à ne pas sortir de l'armée- n'a ni l'expérience, ni l'entregent du général Sharon et doit composer avec les autres partis (tel celui des Travaillistes) avec lesquels il doit former le futur cabinet de coalition qui, si peu ou prou, approuvent les idées du Premier ministre par intérim, n'ont en pas moins leur propre concept sur le retour de la paix. Il est patent que la politique unilatérale que compte mettre en oeuvre Ehud Olmert n'est pas faite pour encourager le dégel entre les deux communautés palestinienne et juive. Relevons néanmoins qu'Olmert est le premier homme politique israélien à dire clairement les chimères du «Grand Israël» et réitérait hier, après sa victoire, «Je suis prêt à renoncer au rêve d'un Grand Israël. Nous sommes prêts à évacuer des Juifs qui vivent dans des implantations pour vous permettre de réaliser votre rêve d'avoir un Etat», à l'adresse du président palestinien, Mahmoud Abbas «mais vous devez, précise-t-il, renoncer à votre rêve de destruction», Et Olmert d'ajouter: «Si les Palestiniens acceptent d'agir en ce sens, nous nous assoierons avec eux à la table des négociations afin de créer une nouvelle réalité dans la région. S'ils ne le font pas, nous prendrons notre destin entre nos mains (...) et dans ce cas-là nous agirons sans l'accord des Palestiniens. Le temps est venu d'agir». Dans une première réaction aux résultats du scrutin, M.Abbas avait déclaré depuis Khartoum que «les résultats des élections israéliennes ne changeront rien si Olmert ne renonce pas à son plan de tracer la frontière israélienne d'une manière unilatérale». Toutefois, M.Abbas a appelé hier le prochain gouvernement israélien à une «paix négociée» indiquant «les élections israéliennes n'ont pas été conformes à ce que certains attendaient. Des partis ont gagné des sièges, d'autres en ont perdu, ce n'est pas le nombre de sièges qui est le plus important» et de conclure, «le plus important, c'est la politique du nouveau gouvernement qui sera probablement de coalition. Il doit changer d'attitude et adopter une politique basée sur la paix négociée et la légalité internationale». De son côté, le chef du bureau politique du Hamas, Khaled Mechaal, a affirmé hier, dans une interview au quotidien français Le Figaro, qu'il y avait un prix à payer qui est celui du «retrait complet des territoires» palestiniens par Israël. «Si (le Premier ministre israélien par intérim) Ehud Olmert opte pour la paix, le prix à payer est le retrait complet des territoires occupés, l'arrêt immédiat de la violence et la reconnaissance des droits légitimes des Palestiniens», a ainsi déclaré M.Mechaal. Le responsable du Hamas affirme en outre au quotidien français: «Si Israël évacue la Cisjordanie et Jérusalem-Est, reconnaît le droit au retour des réfugiés et démantèle le nouveau mur, je peux vous garantir que le Hamas, et derrière lui l'ensemble des Palestiniens, seront prêts à des pas sérieux, fondés sur la justice et l'équité, en vue d'une paix permanente avec les Israéliens. Malheureusement, nous n'avons rien vu de tel jusqu'à présent».En effet, la paix se négocie et se fait entre deux parties, et toute tentative unilatérale sera vaine comme l'histoire en atteste depuis maintenant une soixantaine d'années. Aussi, il appartient à Ehud Olmert et aux nouveaux dirigeants israéliens de tirer les conclusions qui s'imposent, la paix est impossible sans les Palestiniens, encore moins contre eux.