Les chefs de la diplomatie américaine et britannique, Condoleezza Rice et Jack Straw, en visite inopinée à Bagdad hier, ont déclaré être porteurs d'un message fort pour les dirigeants irakiens sur le retard pris pour la formation du nouveau gouvernement. Voilà trois mois que les négociations tournent en rond sur cette question, reflétant de profonds désaccords entre les communautés irakiennes, principalement entre sunnites et chiites. La contestation du Premier ministre irakien sortant, le chiite Ibrahim al-Jaafari, jusqu'ici limitée aux sunnites et aux Kurdes, touche aussi depuis le début de la semaine son propre camp où des voix se sont élevées pour lui demander de renoncer à sa candidature pour diriger le prochain gouvernement et le mouvement, apparemment, continue. Washington et Londres pensent certainement que la situation est suffisamment mûre pour donner un coup de pied dans la fourmilière. Mme Rice se dit confiante : “Nous allons insister pour que les négociations soient conclues. Tout le monde doit se persuader que le moment est venu d'aboutir à la formation d'un gouvernement d'union nationale.” Washington, a-t-elle précisé, engagé, très engagé en Irak, a besoin de voir des progrès. Les deux chefs de la diplomatie devaient s'entretenir avec le président irakien Jalal Talabani et d'autres dirigeants irakiens, dont le Premier ministre sortant Ibrahim al-Jaafari, à qui, certainement, ils demanderont de jeter le gant pour débloquer la situation. “Je suppose que le fait que nous ayons ces discussions avec les dirigeants est un signe de notre insistance sur le besoin d'un gouvernement d'union nationale”, a ajouté la secrétaire d'Etat américain. “Nous sommes engagés en Irak, très engagés. Mais nous avons besoin de voir des progrès”, a indiqué de son côté M. Straw, avant de poursuivre : “Nous reconnaîtrons et respecterons celui qui émergera comme dirigeant (...) Ce qui nous préoccupe, c'est qu'ils (les Irakiens) doivent faire des progrès rapides pour trouver un dirigeant.” La formation du gouvernement de l'Irak post-Saddam ne dépend plus que d'un accord sur l'homme qui devra le conduire. Tout le reste a été bouclé, y compris la création d'un comité ministériel chargé de la sécurité nationale, qui sera présidé par le Premier ministre mais qui comprendra toute la carte politique irakienne. Chargé des décisions stratégiques, notamment en matière de sécurité, ce comité, une trouvaille des Américains, aura un droit de regard sur le gouvernement à majorité chiite conformément à la carte communautaire de l'Irak. Il doit veiller à ce que les forces de sécurité restent à l'abri des influences confessionnelles. La gestion du dossier sécuritaire est critiquée par l'armée américaine, dont l'un des hauts gradés a déclaré publiquement : “Le gouvernement irakien doit avoir une politique claire sur la question des milices.” Des divergences sur la loi 91 à propos des milices sont encore vivaces. Deux opinions s'affrontent, l'une pour leur démantèlement et l'autre pour leur réintégration dans la nouvelle armée. Cette loi, décrétée par l'ancien “proconsul” américain de Bagdad, Paul Bremer, a interdit les milices armées souvent accusées de perpétuer des violences. D. Bouatta