La refondation a besoin d'être engagée sans hypocrisie ni faux-fuyants, dans un souci permanent de réciprocité. Le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, est arrivé hier à Alger pour une visite de 24 h consacrée à une relance du projet de signature du traité d'amitié qui doit être conclu par les deux pays. Il était attendu à l'aéroport international Houari-Boumediène par son homologue algérien, le ministre d'Etat, ministre des Affaires étrangères, M.Mohamed Bedjaoui, avec lequel il a eu un entretien approfondi dans la soirée, les deux hommes ayant passé en revue les principaux dossiers de la coopération bilatérale tout en évoquant un certain nombre de questions d'actualité. Philippe Douste-Blazy a été également reçu par le chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, et son séjour doit s'achever aujourd'hui par une conférence de presse, aussitôt après l'audience qui lui sera accordée par le président de la République, Abdelaziz Bouteflika. Le 22 mars dernier, le chef de l'Etat français, Jacques Chirac, avait adressé un message à son homologue algérien dans lequel il exprimait son «attachement à la perspective du traité d'amitié» qui aurait dû être conclu en décembre 2005, mais qui a dû être reporté sine die à cause de l'adoption par l'Assemblée nationale française de la loi du 23 février 2005 glorifiant la colonisation, un geste pour le moins inamical à l'égard du peuple algérien dont l'histoire témoignera de la souffrance et du combat contre l'oppression, 132 ans durant. Les échanges économiques entre les deux pays ont certes connu une légère amélioration en 2005 en termes quantitatifs, mais la coopération demeure, surtout en ce qui concerne les IDE, bien en deçà des potentialités et des attentes exprimées, à maintes reprises, de part et d'autre de la Méditerranée. Sans relâche, les officiels algériens n'ont pas cessé d'inviter les hommes d'affaires et investisseurs français à s'intéresser au marché national, depuis la conclusion de l'Aide-mémoire sur le partenariat pour la croissance et le développement, le 27 avril 2004. Peine perdue. Du côté de l'Hexagone, la prudence et l'expectative ont encore prévalu, comme si les appréhensions des années 90 demeurent solidement ancrées dans les allées du Medef qui a multiplié les délégations dans notre pays pour prendre le pouls d'une économie en pleine mutation. L'argument du taux de risque a été disqualifié par divers organismes internationaux, et la Coface, elle-même, a finalement suivi la tendance générale, allant jusqu'à annoncer tout dernièrement son intention de s'installer à ... Alger ! C'est dire si, globalement, toutes les conditions sont réunies pour l'entame effective d'une refondation ô combien annoncée et toujours renvoyée aux calendes grecques, au point que beaucoup désespèrent de voir un jour les relations entre l'Algérie et la France revêtir l'indispensable panache de la sérénité et de l'intérêt réciproque bien compris. Tous les indicateurs économiques sont aujourd'hui au vert et témoignent de la bonne santé de l'économie algérienne dont les réserves de change suscitent l'intérêt de bon nombre de pays qui se bousculent pour arracher des marchés dans les différents secteurs d'activité tels que le bâtiment, les travaux publics, la santé, etc. La volonté d'aller de l'avant en matière de coopération et d'échanges est certes forte, de par les engagements exprimés par les deux présidents, Abdelaziz Bouteflika et Jacques Chirac. Reste que pour réussir, cette refondation a besoin d'être engagée sans hypocrisie ni faux-fuyants et qui, plus est, doit être bâtie sur un souci permanent de réciprocité dans les avantages et les dividendes. L'Algérie escompte, grâce aux efforts accomplis ces dernières années, un taux de croissance soutenu en 2006 d'autant que des efforts sont déployés en faveur d'un rééquilibrage entre les secteurs public et privé, sachant que le processus de privatisation d'un certain nombre d'entreprises doit être poursuivi - on parle d'une soixantaine sur quelque 1230 concernées - afin que les unités retrouvent une productivité conforme aux normes généralement admises. Tous les efforts de modernisation de l'économie nationale, conjugués à l'embellie du marché pétrolier et à la demande croissante de gaz en Europe, notamment, font que l'Algérie est perçue comme un marché séduisant que les investisseurs étrangers vont se disputer de plus en plus. C'est dire si la France a intérêt à se départir de la politique sempiternelle de vente d'équipements et de biens de consommation pour s'engager résolument dans un partenariat dénué de toute arrière-pensée politique et de griefs néocoloniaux. Telle est, certes, l'ambition de Jacques Chirac mais encore faut-il qu'elle soit entièrement partagée par la classe politique et les milieux d'affaires français.