Le Raïs a fait des vagues par ses propos sur la situation en Irak et l'influence supposée de l'Iran. Baghdad et Téhéran dénonçaient hier les propos (violents) du président égyptien, - lors d'une interview à la chaîne satellitaire Al-Arabiya - sur la situation qui prévaut en Irak, la qualifiant de «guerre civile» de même que sa mise en garde contre «l'influence» de l'Iran. Ces propos n'ont été appréciés ni par les Irakiens, ni par les Iraniens, les dirigeants des deux pays s'inscrivant en faux contre l'affirmation de Hosni Moubarak. Le Caire a tenté hier de modérer les propos du Raïs, mais le mal semble fait comme en attestent les vives réactions de Baghdad et de Téhéran ainsi que celle du chef de la diplomatie britannique, Jack Straw, qui estime inapproprié le terme de «guerre civile». Hier, la présidence égyptienne a essayé d'arrondir les angles en atténuant les propos de Hosni Moubarak, notamment quant à l'influence qu'exercerait l'Iran sur l'Irak, devant la levée de boucliers singulièrement en Irak. «Les propos du président sur l'Irak reflètent sa grande inquiétude face à la dégradation de la situation et son attachement à l'unité de l'Irak», a déclaré hier le porte-parole de la présidence Souleïmane Awad, cité par l'agence gouvernementale Mena. M.Moubarak a estimé dans l'interview diffusée samedi par Al-Arabiya que l'Irak était «en proie à une guerre civile menaçant la région» et mis en garde contre «l'influence de l'Iran» au Moyen-Orient. «Il y a en réalité une guerre civile actuellement (en Irak). Si les Américains partent maintenant, ce serait une catastrophe parce que la guerre empirerait», a ainsi déclaré M.Moubarak. «L'Iran et d'autres (pays) interviendraient, alors, le pays deviendrait le théâtre d'une horrible guerre civile et le terrorisme dévorerait non seulement l'Irak mais également l'ensemble de la région», a encore dit le président égyptien. Par ailleurs, Hosni Moubarak a affirmé que l'Iran exerçait une «grande influence» sur les populations chiites dans le monde arabe, en Irak comme à Bahreïn, au Koweït, au Liban et en Arabie saoudite, indiquant «Il y a des chiites dans tous ces pays (de la région), d'importants pourcentages, et les chiites sont en général toujours loyaux à l'Iran et non aux pays dans lesquels ils vivent (...) Naturellement, l'Iran a une influence sur les chiites qui forment près de 65% de la population irakienne», a aussi affirmé M.Moubarak. Ces déclarations du président égyptien ont provoqué le « mécontentement et étonnement» en Irak, comme le souligne un communiqué co-signé par le président kurde, Jalal Talabani, le Premier ministre chiite, Ibrahim Al-Jaafari et le président temporaire du Parlement, le sunnite Adnane Pachachi «Cette déclaration a suscité le mécontentement de notre peuple toutes appartenances confessionnelles, ethniques et politiques confondues et provoqué le mécontentement et l'étonnement du gouvernement irakien» ont affirmé les trois dirigeants, en référence aux propos de M.Moubarak qui indiqua que «les chiites sont en général toujours loyaux à l'Iran et non aux pays dans lesquels ils vivent». Les dirigeants irakiens ont par ailleurs dit avoir «(...) également été étonnés de voir les problèmes de sécurité en Irak qualifiés de guerre civile alors que notre peuple est loin d'une guerre confessionnelle et d'un conflit civil». Téhéran n'a pas été en reste réagissant de son côté aux propos du raïs égyptien. Dans une déclaration à la presse, le porte-parole du ministère iranien des Affaires étrangères, Hamid Réza Assafi, a affirmé hier que l'Iran utilisait son influence pour assurer «la stabilité» dans la région après la mise en garde de M.Moubarak. «La République islamique d'Iran -qui a rompu ses relations diplomatiques avec l'Egypte en 1979 après la signature des accords de camp David- cherche à assurer la stabilité et la sécurité dans la région» a affirmé hier M.Assefi lors de sa conférence de presse hebdomadaire. «L'Iran a une grande influence en Irak mais nous ne l'utilisons aucunement pour nous immiscer dans les affaires intérieures irakiennes. Notre influence est spirituelle et nous l'avons toujours utilisée pour renforcer l'entente et la convergence entre les groupes religieux et ethniques» a-t-il ajouté. Jack Straw, chef de la diplomatie britannique a, lui aussi, trouvé excessifs les propos de M.Moubarak, indiquant que «la plupart des gens et la plupart des dirigeants politiques en Irak ont une opinion différente de celle du président (égyptien) Hosni Moubarak ou de (l'ancien Premier ministre intérimaire irakien) Iyad Allaoui» qui a estimé que le nouveau régime de Baghdad -installé dans la foulée de l'invasion combinée américano-britannique- est en proie à une guerre civile, a insisté le chef du Foreign Office. «C'est vrai, la situation est très grave», a toutefois concédé M.Straw «Al Zarkaoui, les terroristes d'Al-Qaîda et les terroristes associés à Al-Qaîda, ainsi que quelques éléments extrémistes de l'ancien parti Baas essayent de provoquer une guerre civile, mais jusque-là, malgré des massacres énormes, ils n'ont pas réussi». Le ministre britannique relève en revanche «la retenue de la communauté chiite», retenue due en particulier à l'influence du grand ayatollah Ali Sistani, leader de la communauté chiite en Irak. Hosni Moubarak semble avoir fait faux bond en suscitant l'incompréhension de ceux qu'il voulait mettre en garde et est quelque part désavoué par les leaders irakiens, l'Iran et le représentant de l'un des principaux acteurs de la coalition en Irak, la Grande-Bretagne qui relativisent la situation induite par le changement de régime en Irak, et la portée réelle de l'influence de l'Iran sur ce pays.