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L'Algérie dans la cour des grands
UN NOUVEL OTAN POUR UN NOUVEL ORDRE MONDIAL
Publié dans L'Expression le 11 - 04 - 2006

Rapprocher Israël des pays maghrébins fait aussi partie des stratégies combinées Otan- Etats-Unis.
La réunion de l'Otan avec ses sept partenaires méditerranéens, destinée à relancer leur coopération politique et militaire initiée en 1995, et qui s'est tenue à Rabat, il y a quelques jours, continue d'alimenter les débats au sein de l'état-major des l'armées des pays du sud, l'Algérie, le Maroc et Israël principalement. C´est la première fois que l'Otan organise une réunion à un tel niveau dans un pays du Maghreb ou du Proche-Orient. Les directeurs politiques des ministres des Affaires étrangères des sept pays participant au «Dialogue méditerranéen» (Israël, Jordanie, Egypte, Tunisie, Algérie, Maroc et Mauritanie) et les représentants des 26 pays membres du Conseil de l´Alliance avaient pris part à cette rencontre. «Dans le dialogue méditerranéen, on se base sur trois convictions: l´interdépendance en matière de sécurité entre pays concernés, la volonté politique de faire face à cette question de la sécurité et le dialogue comme instrument privilégié», avait déclaré Minuto Rizzo à l´ouverture de la réunion. Le représentant du ministère marocain des Affaires étrangères, Omar Hilal, avait souligné que «le terrorisme international, les conflits de haute ou basse intensité, l´immigration clandestine, la prolifération des armes de destruction massive et le trafic de drogue et des armes constituent des défis majeurs, non pas au Nord ou au Sud (de la Méditerranée), mais pour tous les pays de la région». Israël, dont l'objet est de faire une incursion sue la pointe des pieds dans la région maghrébine, laissait le soin aux chefs de l'Otan et aux Américains de faire en sorte que le «greffage» sur le monde maghrébin, beaucoup moins passionné que le Moyen-Orient, réussisse. La réunion devait aussi porter sur «l´avancement du Dialogue méditerranéen et de la coopération pratique et politique», avait indiqué récemment à Bruxelles Jaap de Hoop Scheffer, qui a précisé qu´il y «aura certainement un volet politique et militaire.
Convoitises américaines
Selon des experts militaires internationaux, les Etats Unis dans leur «total war» lancée depuis 2001, veulent une nouvelle Otan, dont le rôle sera aussi de les sécuriser loin du sol américain, à partir des voies d'accès vers ses eaux territoriales, dont la Méditerranée constitue une des plus importantes. Toujours en quête d´une nouvelle vocation et de nouvelles frontières, l'Otan - déjà fortement engagée dans les Balkans et jusqu´en Afghanistan - regarde également depuis plusieurs années vers le Sud. Le «dialogue méditerranéen» est même devenu un programme de l´organisation. Lancé il y a plus de dix ans, il n'avait pas dépassé, longtemps, le stade des contacts informels: on butait sur l´interminable abcès israélo-palestinien, sur les réticences de certains pays à se placer sous l´aile militaire américaine, et - accessoirement - sur l´insoluble conflit du Sahara occidental. Ces freins n´ont pas disparu, mais les attentats anti-américains de 2001, et leurs «répliques» plus récentes en Europe, ont joué un rôle d´accélérateur.
Le dialogue méditerranéen a été relancé il y a deux ans, lors d´un sommet à Istanbul. Une vingtaine de domaines de coopération ont été identifiés: l´unification des procédures civiles et militaires de contrôle de la circulation aérienne, les normes de transport et stockage des armes et munitions, la contrebande d´armes aux frontières, le partage du renseignement antiterroriste, la gestion des crises, la mutualisation de certains moyens logistiques, la santé, la météo ou des échanges doctrinaires divers et variés.
Un site d'analyse géostratégique précise que de longue date, le Maroc - partenaire traditionnel des Etats-Unis et de la France - a été promu allié privilégié de l'Otan sur le flanc sud, mais estime que c´est le rapprochement avec l´Algérie qui est le plus spectaculaire, dans le sillage, là encore, de la coopération, notamment militaire, avec Washington, dont témoigne la participation des militaires algériens aux manoeuvres antiterroristes Pan Sahel et à de multiples exercices ou opérations de contrôle avec les navires de l'Otan en Méditerranée.
Sur un plan plus politique, l'Otan fait valoir que ce programme du «Dialogue méditerranéen» constitue finalement la seule enceinte de concertation entre pays arabes et Israël.
Les dirigeants des Etats maghrébins insistant plutôt sur la «parité» nécessaire dans ces échanges Nord-Sud, car leurs opinions publiques ne sont pas très chaudes pour ce genre de «compromissions».
l'Otan est-il devenu le supplétif des Américains non seulement en Europe mais aussi partout où ceux-ci veulent désengager leurs troupes pour les envoyer «sécuriser»? l'Otan élargit son cercle de recrutement à des pays hors Alliance atlantique, tissant sa toile militaire de soutien aux actions américaines, dont les objectifs militaires à long terme échappent au commun des mortels . Des pays méditerranéens sont enrôlés pour des opérations spécifiques (Israël, Algérie, Maroc).
Les attentats du 11 septembre 2001 ont mis un terme définitif à l'ancienne politique de l'Otan, une alliance créée à l'origine pour défendre collectivement le territoire de ses membres.
A la recherche d'un nouveau souffle
Depuis la chute du mur de Berlin, la principale menace d'attaque contre ce territoire avait disparu et l'Otan était désespérément à la recherche d'une nouvelle raison d'être. En 2002, les pays-membres ont décidé que l'Otan pouvait non seulement intervenir sur son propre territoire, mais également partout dans le monde. Notre sécurité dépendant de la situation à l'échelle mondiale, l'Otan devait donc être à même d'intervenir à l'échelle mondiale. A peine quatre ans plus tard, les Etats-Unis veulent faire franchir un pas supplémentaire à l'Otan en définissant les lignes directrices d'un nouveau débat sur le fonctionnement de l'Otan dont voici les éléments principaux.
Primo: Si notre sécurité dépend de la situation à l'échelle mondiale, pourquoi limiter les partenaires ou les membres de l'Otan à la zone européenne? Pourquoi ne pas demander au Japon ou à l'Australie d'adhérer à l'Otan? Des collaborations existent déjà avec ces pays en Afghanistan, en Irak et ailleurs. Pourquoi ne pas développer et structurer cette collaboration? Secundo: Jusqu'à présent, chaque pays supporte le coût des troupes qu'il met à disposition d'une opération de l'Otan. Seule une partie minime est financée en commun. Ne devrait-on pas plutôt financer en commun l'ensemble des opérations militaires, qu'un pays fournisse des troupes ou pas?
Tertio: Actuellement, les décisions sont prises par consensus et chaque pays membre peut à lui seul bloquer une décision de l'Otan. Ne serait-il pas plus simple d'appliquer le principe d'«abstention constructive» et de travailler dans la pratique avec une prise de décision à la majorité?
Quarto: Avec le terrorisme comme nouvel ennemi, l'Otan modifie son champ d'activité. l'Otan ne devrait-elle pas se voir attribuer une place dans les politiques nationales de lutte contre le terrorisme? Des experts militaires européens estiment que si l'on rassemble ces différentes propositions, on obtient une attaque frontale contre les Nations-Unies et l'Union européenne. l'Otan veut se transformer d'une alliance militaire européano-américaine en une organisation de sécurité collective globale. Une sorte de «Nations-Unies des volontaires»qui marginaliserait les véritables Nations-Unies. Quelles seraient les conséquences de cette transformation pour les pays qui ne feraient pas partie de cette alliance militaire volontaire et seraient donc définis comme un problème de sécurité potentiel? Pour eux, ces développements représentent une menace, face à laquelle ils tenteront de fournir une réponse militaire. Avec pour conséquence une nouvelle course aux armements et une militarisation des relations internationales.
Dans tout ce magma militaro-politico-stratégique, qu'est-ce que l'Algérie peut gagner? En termes simples, l´Algérie entend bénéficier des grandes expériences mises à portée par l´Otan sans pour autant se démarquer de ses choix stratégiques et traditionnels, tels par exemple ses relations avec la Russie, ses voisins du Maghreb, son aide aux peuples en armes (Sahara occidental et Palestine, notamment) et sa place dans sa triple famille naturelle, arabe, musulmane et africaine. C´est un peu la «politique des petits pas» mise en route par l´Algérie. Dans ce contexte, il faut faire mention de la présence de l´Algérie à la réunion ministérielle de Bruxelles (2004), à celle des chefs d´états-majors (2004 et 2005) et à la session parlementaire de l´Otan en mai 2005, ainsi que la visite en Algérie du secrétaire général de l´Otan, M.Jaap de Hoop Scheffer, en novembre 2004. Tous les experts ont relevé la densité de la relation entre l´Algérie et l´Otan dans «le domaine opérationnel», attestée par les trois escales navales de l´Alliance au port d´Alger, en 2002, 2003 et 2004, et la participation de l´Algérie à l´opération maritime antiterroriste baptisée "Active Endeavour" de l´Otan, ainsi que les exercices communs avec des unités de combat américaines lors de l'opération «Flintlock» engagée dans la région saharo-sahélienne.
En fait, pour Alger, l´essentiel réside dans le fait de clarifier ses positions politiques dans sa coopération avec l´Otan. Ses dernières participations dans des exercices navals avec le dialogue méditerranéen, où il y avait aussi les forces israéliennes, ont prêté à quiproquo.
L´engagement de l´Algérie dans sa coopération avec l´Otan cherche surtout à discuter, à refuser des actions imposées, à entreprendre avec l´Otan un partenariat politique et militaire qui ne serait pas à sens unique pour ne pas recourir à une approche uniformisée en matière de sécurité.


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