Omar Abd-El-Kafi est l'étoile filante qui nous vient des pays du Golfe par le biais des chaînes satellitaires. La salle Harcha a failli craquer dans la soirée de lundi. Hommes et femmes sont venus de différents horizons : des campus universitaires, des lieux de travail, de la rue ; certaines femmes ont dû abandonner leurs foyers pour venir se bousculer au portillon de la salle dans l'espoir de voir de près Omar Abd-El-Kafi et les «grosses pointures» du monde de la daawa qui l'ont accompagné, tels Nabil Hamad, ancien directeur de la chaîne Iqraa ou Ibn Moussafir, président de la prestigieuse école coranique de la Mecque. L'association El Irchad oua Islah a eu l'idée de les inviter à Alger à l'occasion de la célébration du Mawlid ennabaoui (naissance du Prophète) pour marquer un coup médiatique. Dans une ambiance de fête, de tambours, de chants religieux, d'applaudissements et de youyous, les ulémas se sont succédé à la tribune et ont galvanisé les foules jusqu'au petit matin. Ils ont salué le projet de réconciliation nationale, initié par le président Bouteflika, et appelé les citoyens à l'aider dans sa concrétisation. Ils ont noté «le courage de mettre un terme aux campagnes d'évangilisation» par une ordonnance. Ils ont enfin mis l'accent sur la victoire du Hamas en Palestine. Comme ils ont, à l'unanimité, préconisé une aide conséquente au peuple palestinien pour pallier l'aide européenne. Selon un rapport de l'association El irchad oua Islah, transmis à la rédaction, les gens ont veillé jusqu'au matin à la salle Harcha, avant de se disperser en essuyant leurs larmes. Ce remue-ménage est causé par une personnalité cathodique peu ordinaire. Il s'agit de Omar Abd-El-Kafi. Qui est-il pour susciter tant de curiosité? Omar Abd-El-Kafi est l'étoile filante qui nous vient des pays du Golfe par le biais des chaînes satellitaires. La soixantaine largement dépassée, la barbe grisonnante taillée, une bague à la main gauche et un costume-cravate. Le timbre de sa voix est radiophonique. Sans élever le ton, il articule ses phrases avec sobriété en laissant transparaître une logique et un enchaînement dans le discours qui stimulent la curiosité. Il est l'invité d'une émission bi-hebdomadaire à la télévision Sharjah, basée aux Emirats arabes, dans l'émirat qui porte ce nom. Il a en face de lui, sur le plateau, un jeune animateur, égyptien lui aussi, qui a beaucoup de talent. A eux deux, ils ont pu rivaliser avec Iqraa et Al Jazeera. Séquence. L'animateur pose la question. Omar Abd-El-Kafi répond d'une voix douce qui impose l'attention. Sa connaissance très étendue de l'Islam et de son histoire lui permet d'accrocher le téléspectateur friand d'insolite. Lorsque l'orateur développe sa réponse en tissant sa trame, l'animateur est au bout de l'extase. La caméra le fixe, le cadre au moment où il lance un «ya salam!» qui fait rebondir Abd-El-Kafi de nouveau sur son thème. Le jeu est synchronisé à la perfection entre l'animateur, son invité et l'acteur invisible qui est le caméraman. Le spectacle fait des ravages. Les téléspectateurs musulmans du monde entier attendent l'émission du vendredi soir pour jouir du spectacle. Le style diffère totalement de celui de Amr Khaled, la star d'Iqraa, qui fait des prêches en costume-cravate en lançant les idées qui excitent les jeunes générations parce qu'elles trouvent des réponses à leurs angoisses. Il diffère également de celui de cheikh Qaradhaoui qui ne prend pas de gants pour fustiger les Américains ou les Danois quand ils touchent aux choses sacrées et qui a l'art de galvaniser les foules, via les satellites. Abd-El-Kafi est plutôt le pédagogue qui sait choisir ses thèmes. Il évoque, par exemple, la «sira» du Prophète comme dans un feuilleton. Il suggère un synopsis puis doucement il développe le scénario, provoque l'intrigue, s'attarde sur les péripéties de l'histoire, ses à-côtés, prend son temps pour faire durer le suspense puis balance le dénouement. Et l'on entend alors le cri d'extase de l'animateur «ya salam!». Puis l'histoire repart comme dans le conte des Mille et Une Nuits.