La Kabylie est loin d'être réellement en sécurité au plan social et politique. Le FFS multiplie les déclarations agressives, le RCD bouge beaucoup au niveau de sa base, le MAK tente encore de se placer dans la région, la percée du FLN et du RND demeure insuffisante, les archs en perte de vitesse, le mouvement associatif inopérant, les plans de développement en panne...tel est le tableau qu'offre la Kabylie à quelques jours d'un 20 avril qu'on annonce «fiévreux» aux dires de certaines sources qui soutiennent que la désillusion des citoyens peut constituer un motif aggravant de la situation qui prévaut dans cette région du pays. En effet, 5 ans après les premières émeutes qui ont enfanté le Printemps noir et plus de deux ans après l'appel solennel au dialogue lancé par le chef du gouvernement, force est de constater que la Kabylie fait du surplace, malgré le retour significatif de la paix civile dans l'ensemble des communes des trois wilayas. Cependant, le confortement du calme qui caractérise la région, depuis la reprise effective du dialogue gouvernement-archs, demeure conditionné par une amélioration des conditions socio-économiques de la population, ainsi que le rétablissement de la sécurité publique. En effet, la vie quotidienne en Kabylie n'a pas connu de changements notables ces dernières années. Cela tient au fait, soulignent les mêmes sources que les dernières élections partielles, qui avaient suscité quelques espoirs, ont donné lieu à des équipes de gestionnaires assez peu compétents. En effet, le constat établi par les observateurs locaux fait ressortir que la durée du mandat des assemblées élues, qui n'est que de deux ans, n'a pas été pour encourager «les poids lourds» de la région à briguer des postes électifs. Résultat: les partis politiques ont présenté des listes de militants ne disposant ni de l'expérience ni du savoir-faire, à même de leur permettre de gérer les affaires des communes dont ils ont la charge. Cet état de fait a eu pour conséquence une réaction de désillusion des citoyens qui constatent la persistance de la paralysie de nombreux secteurs, notamment celui de l'emploi où l'on enregistre une dynamique très faible, nonobstant les postes créés dans le cadre du filet social par la solidarité nationale. Même à ce niveau, la grogne commence à se faire entendre, puisque le peu de poste disponibles est octroyé dit-on «aux amis sûrs», histoire de prendre une sérieuse option pour un second mandat à la tête des APC. Ainsi, la gestion politicienne de la détresse sociale est allée, affirment les mêmes sources, jusqu'à renvoyer des jeunes en fin de contrat pour les remplacer par d'autres, acquis à «la famille politique» de la majorité au pouvoir local. Ces pratiques, même si elles ne sont pas généralisées, traduisent l'ampleur du phénomène du chômage dans une région qui a bénéficié d'un apport financier estimé à quelque 2 milliards de dollars. Tout cet argent n'aura vraisemblablement pas permis à la Kabylie de changer de visage pour s'éloigner du spectre de la violence urbaine. En effet, l'Etat qui dit avoir consenti un effort financier colossal est miné par ses démembrements locaux qui, bureaucratie oblige, donne l'impression d'être à mille lieues des préoccupations des citoyens. Et pour cause, l'engagement du président de la République à dédommager les victimes du Printemps noir est presque remis en cause par les lenteurs administratives. Les personnes concernées par ce dossier attendent depuis des mois une indemnité qui ne vient toujours pas. Le même constat est à faire concernant la défiscalisation. Beaucoup de commerçants qui ouvrent droit à l'abattement fiscal n'ont encore rien reçu. Passé le moment de l'annonce, les pouvoirs publics semblent être retombés dans leur ronronnement traditionnel. Et c'est cette même administration, pour le moins défaillante, qui met un temps fou pour lancer des projets d'utilité publique, créateurs d'emplois. L'annonce par le ministre de l'Intérieur du soutien financier exceptionnel accordé à la Kabylie est donc resté à l'état d'intention si l'on prend en considération l'absence d'une réelle dynamique socio-économique. La gestion étant une affaire d'hommes, les citoyens donnent la nette impression de ne pas attendre grand-chose des premiers responsables des trois wilayas de la Kabylie. Cela dit, un petit espoir est mis sur le nouveau wali de Tizi Ouzou, relèvent les observateurs locaux, qui soulignent la bonne impression laissée par ce dernier à la tête de la wilaya de Bouira. A une semaine du rendez-vous du 20 avril, la Kabylie est loin d'être réellement en sécurité au plan social et politique notamment. Le ras-le-bol visible dans les rues des villes et village constitue un terrain fertile pour des mouvements politiques qui voudraient récupérer la colère légitime des citoyens à des fins inavouées. La rumeur sur des manifestations un peu partout en Kabylie circule déjà et l'on insinue même que la température peut monter de plusieurs crans le jour J. D'autant que les partis politiques et les différentes tendances du mouvement citoyens sont loin de faire cause commune...