Le président a une nouvelle fois relevé le charabia linguistique des Algériens. Le président Abdelaziz Bouteflika est un nationaliste invétéré. Ses sorties contre la loi du 25 février 2005, dans laquelle le législateur français demande au système éducatif de faire l'apologie du rôle positif du colonialisme, notamment en Afrique du Nord, et cela au moment où les deux pays discutaient de la signature d'un traité d'amitié, sont devenues récurrentes. Il ne rate pas une occasion de monter au créneau pour souligner son opposition à l'adoption d'une telle loi, n'hésitant pas à employer l'expression de «cécité mentale confinant au négationnisme et au révisionnisme». Au cours d'une discussion avec des universitaires à Constantine, le chef de l'Etat est revenu sur le sujet pour enfoncer une nouvelle fois le clou, en affirmant que le colonialisme «a réalisé un génocide de notre identité, de notre histoire, de notre langue, de nos traditions». On remarquera que cette déclaration a été reprise par la télévision nationale hier au journal de treize heures. Ce fut une occasion pour lui de montrer toute sa verve et son langage imagé, en citant des phrases de l'arabe algérien truffé de mots français pour étayer cette appréciation qu'il fait de notre histoire : «Nous ne savons plus si nous sommes des Amazighs (berbères), des Arabes, des Européens ou des Français». Une semaine auparavant, il a brocardé les magistrats en trouvant que les juges algériens ne maîtrisaient ni l'arabe ni le français. En août dernier, le président de la République, dans une philippique contre toujours la loi du 23 février, a estimé que les «Français n'ont pas d'autre choix que de reconnaître qu'ils ont torturé, tué, exterminé de 1830 à 1962». L'article 4 controversé de cette loi du 23 février a pourtant été supprimé sur une proposition du président Jacques Chirac, notamment à la suite d'une fronde des départements d'outre-mer, qui avaient refusé d'accueillir le ministre de l'Intérieur et néanmoins chef du parti présidentiel UMP, Nicolas Sarkozy ; mais le président algérien en a gardé un certain ... désappointement, au point de repousser la signature du traité d'amitié lors de la dernière visite du ministre français des Affaires étrangères Philippe Douste-Blazy. C'est-à-dire que même après l'abrogation dudit texte, le chef de l'Etat algérien estime que le mal est déjà fait et qu'il faudra laisser le temps au temps. Est-ce à dire que la signature d'un traité d'amitié est repoussée aux calendes grecques? Ça en a tout l'air. On remarquera d'abord que l'initiative d'un tel traité a été prise par les deux présidents Bouteflika et Chirac, qui entretiennent des relations très amicales. Selon le calendrier électoral en France, la présidentielle étant prévue pour 2007, soit dans une année environ, il ne fait aucun doute que toute discussion sur un éventuel traité est sujet à caution. Et rien n'indique qu'un autre président, qu'il soit de droite ou de gauche, soit dans le même état d'esprit que Jacques Chirac, qui avait reçu un accueil triomphant à Alger en 2003. C'est certainement une affaire de génération : malgré la densité des relations humaines, culturelles, économiques et commerciales entre les deux pays, les ressentiments liés au passé commun ne laissent pas, pendant une période encore, de prévoir un mieux dans l'appréciation qu'on a les uns des autres. Lorsque Dominique de Villepein affirmait dans l'hémicycle du Parlement français qu'il n'appartenait pas aux politiques d'écriture l'histoire, il ne croyait pas si bien dire. Mais ce n'est pas le seul grief que formule Alger. Il y a aussi la discrimination observée dans la délivrance des visas, en comparaison de ce qui se fait avec nos voisins immédiats, le Maroc et la Tunisie. Il y a donc un long chemin à faire pour recoller les morceaux ... des pots cassés dans l'histoire commune des deux peuples.