L'affaire Frik est-elle le début d'une large opération «mains propres» ou alors un autre scandale qui va être étouffé ? Bachir Frik vient de passer sa seconde nuit à la prison de Serkadji dans le bloc qui servait ironiquement à la détention des cadres. Le parquet d'Alger l'a écroué sur ordre de la Cour suprême où Frik a eu une audition ces derniers jours. Le motif de cette arrestation réside en un chef d'inculpation essentiel: fausse déclaration sur le patrimoine dans l'exercice de sa fonction de wali. Les hauts cadres de l'Etat dont les ministres et les walis sont soumis à une déclaration sur l'honneur concernant leur patrimoine (biens immobiliers, avoirs financiers, acquisitions foncières, bien familial...), publié dans le Journal officiel (Jora) lors de leur prise de fonction. C'est au terme d'une enquête qui a duré plus de deux années que l'ancien wali, Bachir Frik a été écroué puisque les magistrats ont estimé qu'il a menti sur son véritable patrimoine. Le volet judiciaire ne serait pas complet sans l'aspect politique de cette inculpation et incarcération d'un wali. Ce n'est pas un hasard du calendrier si Frik «tombe» le jour où le Chef du gouvernement, Ali Benflis, entame une tournée dans l'Oranie où l'affaire Frik a eu beaucoup d'échos ces derniers temps. Le même Benflis qui, deux mois auparavant, lors de la présentation de son programme de politique générale devant les députés, a haussé le ton en menaçant les élus et les cadres de poursuites judiciaires en cas de malversations ou détournements de biens publics. Une menace qui n'a pas été prise en considération par les observateurs politiques tant le discours sur la corruption a été galvaudé par les pouvoirs successifs qui, faute de courage politique ou par compromission, ont toujours préféré tuer dans l'oeuf des scandales énormes plutôt que traquer les responsables qui se «sucrent» à tous les échelons. Cette-fois ci, ces observateurs sont dans l'expectative et attendent de voir la suite de l'affaire Frik. Des sources bien informées indiquent, toutefois, que d'autres dossiers importants sont en cours de finalisation par la justice et devraient aboutir à des arrestations prochaines de hauts cadres de l'Etat, tous secteurs et corporations confondus. On cite, à ce propos, l'affaire du FKD-SKD qui a valu un préjudice à l'Etat de l'ordre de 2.000 milliards de centimes et qui verrait, probablement, la mise en accusation de certains responsables des douanes algériennes. Il en est de même de l'affaire des métaux ferreux et non ferreux qui a atteint les 6.000 milliards de centimes de pertes sèches à l'Etat. D'autres responsables d'entreprises économiques publiques et des cadres de l'état sont actuellement entendus dans des affaires comme celles de l'importation du café, des cigarettes étrangères ou de l'huile. La logique du gouvernement veut que, dorénavant, la «justice aille jusqu'au bout de ses investigations» sans prendre en considération les habituelles pressions politiques qui peuvent intervenir à différents niveaux des enquêtes. Cette énième campagne de moralisation de la vie publique va-t-elle aller à son terme? Certains redoutent que Bachir Frik, wali dégommé depuis 1999, ne soit que le bouc émissaire d'une affaire qui a largement dépassé les limites territoriales d'Oran et le seul cercle des instances locales. D'autres hauts cadres de l'Etat mènent, depuis des années, une vie qui est largement assimilable à celle de milliardaires. Les affaires ne manquent pas puisque de la spéculation foncière à la prise de commission sur les marchés publics en passant par l'accaparement des logements, des assiettes foncières et le trafic d'influence, la gamme de la corruption est assez étendue. Frik est le premier a en payer les frais en attendant les autres. Dans le sens inverse, on pourrait dire, en paraphrasant Lord Byron: «Tous sont debout devant celui qui tombe.»