Les Européens ont finalement renoncé à leur résolution contre l'Iran à l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA) pour tenter de ramener Téhéran à la table des négociations avec les Etats-Unis, une avancée saluée jeudi par la République islamique. Appuyé par Washington, ce texte de l'Allemagne, de la France et du Royaume-Uni condamnait la décision de Téhéran de suspendre certaines inspections de son programme nucléaire. «Malgré un soutien important» au sein du Conseil des gouverneurs de l'AIEA, «nous avons décidé de ne pas présenter la résolution», a déclaré le ministère allemand des Affaires étrangères, confirmant des informations de sources diplomatiques. Selon Berlin, «l'Iran doit maintenant prouver qu'il est sérieux dans sa volonté de relancer pleinement» l'accord de 2015 sur le nucléaire iranien, conclu à Vienne entre l'Iran et le groupe 5+1 (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, Russie, Chine, Allemagne), dans le but initial d'encadrer son programme atomique en échange d'un allègement des sanctions internationales. La résolution est «mise sur pause» en raison de «signaux encourageants» de la part des Iraniens, explique-t-on côté français, assurant que ceux-ci «n'auraient pas été obtenus si la menace n'avait pas été maintenue jusqu'au bout».Téhéran a accueilli favorablement cette décision, qui «peut maintenir ouverte la voie de la diplomatie amorcée par l'Iran et l'AIEA», selon un communiqué du porte-parole des Affaires étrangères, Saïd Khatibzadeh. Moscou et Pékin se sont également réjouis de la marche arrière européenne. «La sagesse l'a emporté», a réagi l'ambassadeur russe à l'AIEA, Mikhail Ulyanov, sur Twitter. «La résolution aurait conduit à une escalade incontrôlée. Désormais la diplomatie a une réelle chance de succès». La Chine a appelé «les différentes parties à saisir l'occasion», selon un message posté par sa mission permanente à Vienne. L'Iran, qui avait refusé du fait des tensions une précédente invitation de l'UE à une réunion informelle avec les Etats-Unis, va-t-il cette fois accepter? «Nous espérons fortement que les Iraniens acceptent de dialoguer de manière à aboutir à des progrès concrets crédibles», a déclaré le porte-parole de la diplomatie américaine Ned Price en affichant le «plein soutien» de Washington à la démarche des Européens. «Les choses bougent dans la bonne direction», estime le diplomate français, qui évoque la possibilité d'une «rencontre informelle, sans doute à Bruxelles, d'ici une à deux semaines». Parmi les progrès constatés, l'Iran a accepté d'engager, dès avril, un processus de «réunions techniques» avec l'AIEA pour «clarifier plusieurs questions en suspens», a détaillé devant la presse le directeur général du «gendarme» onusien du nucléaire. Rafael Grossi a dit vouloir régler ces problèmes d'ici au prochain Conseil des gouverneurs en juin. Depuis plusieurs mois, l'AIEA exprimait ses inquiétudes quant à la possible présence de matières nucléaires sur plusieurs sites iraniens non déclarés et ce sont ces dossiers qui vont être examinés. Autre élément ayant pu jouer positivement, le journal iranien ultraconservateur Vatan-é Emrouz a écrit mardi, sans citer de source, que le président Hassan Rohani avait donné l'ordre de suspendre la production d'uranium métal dans l'usine d'Ispahan (centre). Le gouvernement n'a pas démenti ces informations. L'Iran avait annoncé en février avoir débuté la production d'uranium métal pour alimenter son réacteur de recherche à Téhéran, dépassant ainsi les limites fixées par l'accord de 2015. Le sujet est sensible car cette matière peut être utilisée dans la fabrication d'armes nucléaires, même si la République islamique a toujours nié vouloir se doter de la bombe. Le nouvel hôte de la Maison-Blanche, Joe Biden, a promis de revenir dans le giron du JCPOA «si» l'Iran respectait à nouveau le contrat. Washington a redit jeudi qu'il attendrait la première réunion directe pour évoquer d'éventuelles concessions. Mais à l'inverse, Téhéran exige au préalable une levée des mesures punitives qui asphyxient son économie et a franchi ces dernières semaines un nouveau cran dans son désengagement de l'accord.