Combien de bureaux de poste ont été cambriolés, de convois de transport de fonds attaqués et de personnes enlevées ? L'insécurité bat son plein en Kabylie. Des fléaux jadis étrangers à la région, y trouvent un terreau favorable. Depuis quelques années, les principales localités sont confrontées à une situation inextricable. Délinquance, prostitution, trafic de drogue... et agressions en plein jour, rythment la vie de la population. Cette dernière livrée à elle-même demande une sécurité renforcée. Pour d'abord «déloger» ceux, qui, profitant de la confusion, ont fait de cette région un milieu où prospèrent tous les fléaux sociaux, et ensuite pour protéger les biens et les personnes. D'autant plus que des cercles mafieux font du banditisme une activité pour tirer des dividendes et s'enrichir sur le dos d'une population qui ne sait pas à quel saint se vouer. L'enlèvement, mercredi à Freha de l'entrepreneur Haddad Meziane est le couronnement de plusieurs épisodes douloureux les uns que les autres. Combien de bureaux de poste ont été cambriolés, de convois de transport de fonds attaqués et de personnes enlevées, sans que ces actes ne soient revendiqués. Ce qui n'a pas manqué d'alimenter la rumeur quant à l'identité des auteurs de ces actes que rien ne peut justifier, si ce n'est l'insécurité et parfois même le laxisme dont font montre les autorités locales. Il convient de rappeler que l'attaque de convois de transport de fonds sur la route d'Aïn El Hammam, renseigne sur les complicités dont jouissent les ravisseurs, qui arrivent à accomplir leurs forfaits en toute facilité. En effet, après l'attaque perpétrée contre des transporteurs de fonds entre Azazga et Bouzeguène, c'était au tour de celui assurant le transfert de fonds entre Tizi Ouzou et Aïn El Hammam particulièrement meurtrier, de Larbaâ Nath Irathen, au cours duquel trois convoyeurs de fonds ont été tués et la somme de 450 millions de centimes dérobée. Qui est donc derrière ces actes, qui chaque jour prennent de l'ampleur? Les «pistes» et les versions sont à la fois diverses et contradictoires. Cependant, ce qu'il faut retenir plus que le terrorisme, c'est le basculement de la violence armée vers le crime organisé. On évoque par exemple la piste terroriste, puisque certaines sources parlent d'éléments du Gspc, qui, se voyant cernés de partout et lâchés par la population, essaient d'amasser le maximum de fonds. D'autres sources par contre, estiment que ces cambriolages, rackets et autres attaques à main armée ne sont que le fait de bandes organisées, et structurées dans un vaste réseau mafieux. Même d'honnêtes citoyens ne sont pas épargnés. En plein centre-ville de Tizi Ouzou, des passants sont détroussés au vu et au su de tout le monde, et malheur à celui qui tenterait de s'interposer. Les cités universitaires, notamment de jeunes filles, ne sont pas en reste. En effet, les agressions se sont multipliées au cours de ces deux dernières années aux alentours des campus universitaires, notamment ceux de Oued Aïssi et Boukhalfa. A Fréha, où l'entrepreneur Haddad Meziane vient d'être enlevé, un bureau de poste a fait l'objet d'une attaque en plein jour par un groupe de jeunes, qui se sont évaporés dans la nature avec un pactole de 500 millions de centimes. C'était en juillet 2004. Le même «scénario» a eu lieu au mois de mai de la même année. Des jeunes gens armés ont pris d'assaut le bureau de poste de cette localité emportant avec eux la somme de 220 millions de centimes. Il est utile de rappeler qu'un véhicule de transport de fonds a été attaqué au lieudit Tissirt N'cheikh, près d'Aïn El Hammam, plusieurs dizaines de millions en dinars et en euros ont été dérobés, et l'explosif, pour immobiliser le transport de fonds, a été utilisé. Le 6 octobre dernier, à Assi Youcef, le fourgon d'Algérie Poste assurant le transport de fonds a été attaqué et 245 millions volés. Cependant, les braquages ne sont pas propres à la Kabylie. L'attaque contre la Bcia d'Oran, en 2002, le braquage à Tipasa, une tentative de braquage contre un convoi des postes, ne sont que quelques exemples qui attestent de la tendance à la généralisation des cambriolages spectaculaires contre les recettes postales et les agences bancaires. Ce qui est important à relever, c'est le fait que ces attaques ont été opérées en un temps record ne dépassant pas les trois minutes, affirment les enquêteurs. Les services de sécurité ont relevé, il y a quelques mois, la montée en puissance d'un nouveau type de criminalité: le braquage de banques, de bureaux de poste, de recettes municipales et même de convois de transport de fonds. Ils estiment le préjudice subi à près de 100 milliards de centimes.