«Le colonialisme français en Algérie était une forme d'agression aucunement justifiée.» Les relations algéro-françaises traversent actuellement des zones de fortes turbulences et ne cessent de susciter de vifs débats de la part de personnalités politiques et des universitaires en Algérie. «Comment en 2006, à l'ère de la mondialisation, certains vantent toujours les mérites du colonialisme?», lâche M.Farouk Ksentini, président de la Commission nationale consultative de promotion et de protection des droits de l'homme, (Cncppdh) lors d'une conférence-débat organisée, jeudi, au forum d'El Moudjahid. Pour lui, le colonialisme français en Algérie «était une forme d'agression aucunement justifiée et un crime contre l'humanité qui a duré 132 ans». Il considère que le colonialisme «a été totalement négatif avec un génocide identitaire de l'Algérie, comme l'a confirmé le président de la République», rapporte l'APS. De son côté, M.Djahid Younsi, du mouvement El Islah (redresseurs), a relevé plusieurs obstacles qui ont entravé les relations algéro-françaises, depuis l'indépendance du pays en 1962. «Il fallait demander à la France de présenter des excuses au peuple algérien juste après l'indépendance du pays et ce, afin de permettre d'établir de bonnes relations bilatérales au même titre que tous les autres Etats voisins», a-t-il estimé. M.Younsi a saisi l'occasion pour déplorer le fait que la classe politique ainsi que la société civile n'aient pas réagi de la façon «la plus adéquate» à la promulgation de la loi du 23 février 2005, glorifiant la présence coloniale française en Afrique du Nord. «Ils se sont contentés juste de communiqués de dénonciation», a-t-il dit. Selon l'intervenant, l'idéologie coloniale «est de retour chez certains anciennes puissances coloniales, notamment après l'invasion de l'Irak par les Etats-Unis». Le mouvement des Scouts musulmans algériens (SMA), qui s'apprête à fêter ses 70 ans d'existence, n'est pas lui aussi resté indifférent. Par la voix de son commandant, M.Noureddine Benbraham, les SMA ont souligné qu'aujourd'hui, «nous avons le devoir de respecter et sauvegarder les sacrifices de la génération de Novembre 54». Il a assuré, cependant, que les SMA entretiennent de bons rapports avec le mouvement de scouts français ainsi que certaines associations de la société civile française. Pour sa part, le président de l'association 8-Mai 1945, M.Mohamed Korsou, est revenu longuement sur l'historique des relations entre l'Algérie et la France. Il rappelle que les deux pays «ont eu de bonnes relations, après 1962». Toutefois, il estime que l'abrogation de l'article 4 de la loi du 23 février «reste insuffisante étant donné, a-t-il expliqué, que les articles 2 et 3 sont aussi attentatoires à la mémoire de la guerre de libération nationale». Ce débat montre clairement que les cicatrices du passé sont loin d'être refermées. «Cela fait plus d'une année que nous disons qu'il faut assainir le passé entre l'Algérie et la France. La loi du 23 février 2005 a creusé un large fossé entre nous», avait estimé M.Ahmed Ouyahia, secrétaire général du RND, lors de son passage au forum de l'Entv. Les épisodes de tension dans l'Hexagone et en Algérie se sont succédé ces derniers temps dans un contexte de gel du traité d'amitié, plus spécialement après l'échec de la visite à Alger du ministre français des Affaires étrangères, M.Douste-Blazy. A cela s'ajoute la visite du président Bouteflika à Paris pour «un contrôle médical» à l'hôpital du Val-de-Grâce, placée sous le signe de la spéculation. Plusieurs personnalités politiques françaises de droite et d'extrême droite sont montées au créneau, reprochant au président de la République, Abdelaziz Bouteflika, sa condamnation du fait colonial. A ces réactions «virulentes», M.Abdelaziz Belkhadem, secrétaire général du FLN, également représentant personnel du président de la République, avait clairement répondu: «La diplomatie française nous avait habitués à plus de compétence, à plus d'objectivité; nous regrettons le comportement émanant d'un responsable politique qui occupe un poste aussi important», en s'adressant au ministre français des Affaires étrangères qui a fait une déclaration sur «le génocide identitaire» dont a été victime l'Algérie pendant 132 ans- tel qu'exprimé par le président Bouteflika lors de sa visite à Constantine. «Ils devraient avoir honte du colonialisme au lieu de lui trouver un côté positif (...) Nous ne les avons pas invités à venir nous coloniser en 1830», enchaînait-il et de poursuivre : «Laissons-les s'excuser puis on parlera du traité d'amitié».