Entre noubas, makamat et mélodies, les coeurs ont chaviré. Il y avait foule en cette soirée du mercredi au Palais de la culture Moufdi-Zakaria d'Alger. Dès 18h30, l'auditorium affichait presque complet et on dirigeait déjà les spectateurs vers le balcon. Comble de malchance et par manque élémentaire de civisme et de courtoisie chez nous, hélas, toutes les places étaient ou occupées par des personnes ou simplement par des affaires, sac, foulard, veste ou autres, qui signifiait que les occupants n'étaient pas encore là mais on s'assurait quand même de leur garder des places... Pour remédier à cet état de fait qui, somme toute, est inconcevable, les agents du Palais ont dû ajouter des chaises de part et d'autre de la scène pour permettre aux fans de l'artiste attendue, munis qui d'invitation, qui de ticket à 200 DA, d'accéder à la salle et s'imprégner de l'atmosphère qui allait y régner. Au grand plaisir de la nombreuse assistance composée de jeunes et de moins jeunes - qui a dit encore que la jeunesse ne savait pas apprécier la bonne musique? - Bahdja Rahal, somptueusement vêtue d'une tenue traditionnelle algéroise - karakou - pailletée d'or, fait son entrée au milieu de sa troupe composée de huit musiciens. De là commence un régal musical puisé tantôt du terroir musical andalou, tantôt le produit d'un travail de recherche et de composition qui, tout en gardant un fond traditionnel hérité des générations précédentes de musiciens, on y ajoute une touche de sons modernes et de mélodies quelque peu «actualisées» qui font que cette musique andalouse répond aux exigences du moment. Cette artiste est donc avec le renouveau, ce qu'on appelle le néo-hawzi si on ose l'appeler ainsi mais sans profaner sa source. Contrairement à beaucoup de chanteurs de hawzi qui ne font pas trop attention à leur prononciation - ce qui est un tort qui diminue le taux d'écoute et d'intérêt chez le public -, on doit reconnaître à Bahdja Rahal son souci de toujours vouloir être comprise par ses auditeurs et de là avoir un goût très prononcé pour la bonne énonciation du texte chanté dont les paroles vous touchent au plus profond de votre âme, même si vous n'êtes pas spécialement fan de ce genre musical. En faisant face à des problèmes de sonorisation - qui se posent toujours au niveau de cet auditorium d'ailleurs -, par un regard tantôt embêté, tantôt sévère mais souvent enchanté par un public subjugué par une voix qui le transportait, le rossignol andalou a offert à ses admirateurs plus d'une heure de détente et d'extase pendant laquelle ils n'avaient d'yeux que pour elle, d'ouïe que pour cette voix mélodieuse, oubliant tous les soucis d'un quotidien souvent morose où on aspire de plus en plus à ces moments de détente et d'évasion...