On ne ressort pas indemne d'un entretien avec le ministre chargé des Relations avec le Parlement. Même si on apprend beaucoup sur le rôle et la nécessité d'un tel département ministériel, on ne peut échapper dans le même temps à des questionnements liés aux institutions impliquées dans la gestion de la cité. Des questionnements qui, en l'état actuel des choses, affectent et perturbent tout esprit citoyen. Explications. Concevoir et élaborer une loi est aussi complexe que peut l'être la nature humaine. Ceci veut dire que quelle que soit sa source d'inspiration, toute législation doit être spécifique à la société pour laquelle elle est destinée. L'oeuvre est colossale et n'est sûrement pas à la portée du premier venu. Elle est tout à la fois expertise, précision et extrapolation. Toute lacune ou expression approximative peuvent mener à des effets de dysfonctionnements gravissimes de la société. A qui est dévolue cette délicate mission de faire les lois? Normalement, au gouvernement et au Parlement. Sauf que... 78 lois ont été élaborées, présentées et adoptées durant la période 2002/2005 nous a appris M.Abdelaziz Ziari. Une seule de ces lois a été le fait de parlementaires. Les 77 autres ont été préparées et présentées par les ministères concernés. Donc par le gouvernement. En bout de course viennent les deux chambres du Parlement pour l'adoption de ces lois. Le champ ou plutôt les champs concernés par les lois sont vastes, multiples et extensibles. De la loi fondamentale à la loi sur la cybercriminalité, la distance est longue. Celle-ci est jalonnée de divers secteurs où se mêlent le politique, l'administratif, l'économique, le social et le culturel. La tâche du gouvernement ne s'arrête pourtant pas seulement à la conception, à l'élaboration et la présentation de la loi au Parlement. Le travail reprend aussitôt après puisque les textes d'application (décrets et arrêtés) relèvent aussi de l'Exécutif. Le gouvernement prend donc en charge la loi en amont et en aval. C'est loin d'être une petite affaire. C'est pourquoi aussi, le ministère chargé des Relations avec le Parlement n'a pas le temps de chômer lui qui assure la coordination de tous ses allers et retours de la loi (gouvernement, chambre basse, chambre haute, gouvernement) et répond du travail de l'équipe gouvernementale auprès des parlementaires qui, très souvent, s'appliquent à «couper les cheveux en quatre» plus pour rappeler leur existence que dans un souci de parfaire. C'est à ce stade que s'achève notre entretien avec M.Abdelaziz Ziari, ministre chargé des Relations avec le Parlement. Mais c'est là aussi que remontent à l'esprit des questions sur le rôle et le fonctionnement de notre représentation nationale. Un questionnement douloureux qui interpelle nos consciences de citoyens. Quelle réponse pour apaiser les inquiétudes dès lors qu'on se penche sur le contenu du mandat de nos élus? De quoi est-il fait? En quoi consiste le travail d'un élu? Que penser d'un pouvoir législatif d'où ne sort aucune proposition de loi? Pourquoi n'a-t-on pas chez nous, comme ailleurs, des lois désignées par le nom de l'élu qui en serait l'auteur? Quel sens donner au nombre de sièges, à la majorité? A quoi cela peut-il servir? Qui peut citer une seule commission d'enquête parlementaire constituée? Quelle attention prête notre Parlement aux lois qui lui sont soumises par le gouvernement? Un gouvernement qui sous le poids de la tâche n'est pas infaillible et dont on attend (au moins) de nos députés et sénateurs qu'ils le corrigent. Les tout récents problèmes, posés à l'état-civil par le certificat médical prénuptial, imprécis, dans le nouveau code de la famille, donnent toute la dimension du sentiment d'inutilité qui colle au parlement. «Le gouvernement (toujours lui) va très bientôt préciser le contenu dudit certificat», nous a assuré M.Ziari. Quant aux deux chambres du Parlement, elles continuent «de dire oui, de dire non» comme la poupée de Polnareff. Pour corser le tout et face à cette productivité législative égale à zéro, aggravée par l'inexistence de permanences pouvant faire valoir au moins une présence auprès des électeurs, nos parlementaires reçoivent des salaires et avantages inversement proportionnels. On se demande, dans ces conditions, pourquoi avoir ajouté une autre chambre à ce fardeau que traînent les dépenses publiques depuis l'indépendance. Non ! La démocratie a bon dos. Elle ne peut, à elle seule, tout expliquer. La raison et le simple bon sens voudraient que les dégâts soient au moins limités en attendant que cette haute fonction puisse se définir dans un contrat de performance et soit conditionnée par l'obligation de résultats. Car, enfin, zéro multiplié par deux chambres égale toujours zéro. Voilà pourquoi on ne sort pas indemne d'un tel sujet sur la production législative. Surtout que des «oiseaux de mauvais augure» veulent nous persuader que nous avons la représentation que nous méritons. Non! C'est tout le système qui a érigé la médiocrité en vertu qui disparaîtra enterré sous l'immense chantier de reconstruction actuellement entrepris dans le pays. Comme tous les autres fléaux. Les signes avant-coureurs sont là pour qui veut voir.