De violents affrontements ont émaillé, samedi, l'avenue Bourguiba où manifestants et forces de l'ordre se sont affrontés, portant à son paroxysme la crise qui agite, depuis plusieurs jours, la proche banlieue de la capitale. Les tensions sont nées mardi dernier, à Sidi Hassine, où un jeune a été interpellé, dénudé et maltraité par des policiers, une scène répercutée sur les réseaux sociaux et devenue virale au point d'enflammer la protesta comme une traînée de poudre. Au coeur de Tunis, les manifestants ont scandé des slogans hostiles à la police et au gouvernement, dénonçant les violences policières observées à Sidi Hassine. Les heurts ont vite dégénéré, de sorte qu'une pluie de pierres, de chaises de café et de barres de fer a fondu sur les forces de l'ordre qui ont répliqué avec la même détermination. A Sidi Hassine, les affrontements nocturnes se sont poursuivis, hier encore, la police recourant aux gaz lacrymogènes pour disperser les manifestants. Cependant, le procureur du tribunal de Tunis 2, Fethi Smati, a déclaré sur la radio Mosaïque FM, que l'adolescent molesté et déshabillé par les policiers, au premier soir de la crise de Sidi Hassine, a été libéré, le ministère public indiquant, par ailleurs, qu'il s'agit bien d'un mineur. Le quartier populaire de la capitale reste, cependant, en ébullition, et des renforts de policiers y ont été dépêchés pour parer à toute aggravation de la situation. Réagissant aux évènements, le président Kaïs Saïed a reçu, dans son bureau, le Premier ministre Hichem Mechichi, également ministre de l'Intérieur par intérim, et la ministre de la Justice par intérim, elle aussi, Hasna ben Slimane auxquels il n'a ménagé ni ses critiques ni ses reproches. Le chef de l'Etat leur «a exprimé son profond mécontentement et sa condamnation des événements, survenus ces derniers jours, en Tunisie, soulignant que personne n'est au-dessus de la loi et qu'il n'y a pas moyen que certains aient droit à des traitements de faveur, en fonction de leurs fortunes ou appartenances politiques», indique le communiqué de Carthage. Kaïs Saïed a sommé la ministre de la Justice par intérim d'«accomplir la mission qui lui a été conférée par la loi, insistant sur la nécessité d'appeler à la levée de l'immunité parlementaire de certains députés afin que chacun puisse faire face à ses responsabilités, étant donné que l'immunité devrait garantir l'indépendance et non encourager à l'impunité». Par ailleurs, le président Saïed a programmé un entretien avec le secrétaire général de l'UGTT, Noureddine Taboubi, au cours duquel seront abordées les préoccupations de la population tunisienne, notamment la hausse des prix des denrées de base, les affrontements de Sidi Hassine ou encore le limogeage du président de l'Inlucc, instance nationale tunisienne de lutte contre la corruption. Le Comité supérieur des droits de l'homme qui a dénoncé l'interdiction faite à Abir Moussi, présidente du parti destourien libre (PDL), et à ses partisans d'exercer leur droit constitutionnel à manifester pacifiquement, voit dans le limogeage brutal de Imed Boukhris, au lendemain du lynchage d'un adolescent à Sidi Hassine par des policiers, la démonstration que certains faits de corruption et éléments de preuve présentés à l'encontre, notamment des quatre ministres dont le président Saïed a refusé la prestation de serment, ont fortement déplu à leurs parrains politiques.