M.Medelci discutera du remboursement par anticipation de 8 milliards de dollars environ. Faut-il payer la dette extérieure par anticipation? En voilà une question qui ne se posait pas du tout à la fin des années 80, sachant qu'à l'époque il s'agissait d'échapper aux fourches caudines du FMI et de son plan d'ajustement structurel. Une dette extérieure de trente milliards de dollars tenait l'Algérie sous la botte des pays créanciers, alors que le Trésor public pouvait assurer à peine trois jours d'importation de produits alimentaires et que les grandes puissances ne daignaient même pas vendre des cartouches à notre armée, dans sa lutte contre le terrorisme. Aujourd'hui, il y a une cagnotte de 62 milliards de dollars de réserves de change et Mourad Medelci, le grand argentier du pays, est dans la capitale française, où le Club de Paris, qui gère la dette publique pour le compte de 19 pays créanciers, a accepté d'inscrire à son ordre du jour le principe de la signature d'un accord multilatéral pour le remboursement de la dette par anticipation. Ce qui semblait relever de la spéculation pure, il y a à peine quelques années, ne trouble plus personne. Il s'en trouve même des spécialistes qui estiment qu'à tout prendre il vaudrait mieux garder cet argent dans une chaussette, au cas où on en aurait besoin. D'autres estiment au contraire qu'il peut servir à creuser des trémies, à défaut d'achever les travaux du métro d'Alger. Ce ne sont pas des plaisanteries, mais des propos tout ce qu'il y a de sérieux! Expliquons d'abord le fond du problème: selon les services du ministère des Finances, le choix du mois de mai pour entamer le remboursement s'explique par le fait que le paiement du service de la dette au titre de l'année 2006 arrive à échéance à la fin du mois de mai, alors que les négociations avec le Club de Londres pour le paiement par anticipation de la dette privée sont prévues en septembre prochain, étant donné que là aussi la prochaine échéance du paiement du service de la dette privée auprès de ce club est fixée pour septembre 2006. A rappeler qu'au Club de Paris, M.Medelci discutera du remboursement par anticipation de la dette rééechelonnée à hauteur de 8 milliards de dollars environ, sur un stock de 15,5 milliards de dollars représentant la totalité de la dette extérieure algérienne actuelle. M.Medelci est optimiste, en affirmant que «l'Algérie pourra dire que l'année 2006 aura fait avancer d'une manière considérable la dynamique de désendettement qu'elle a adoptée.» Il faut aussi savoir que le corollaire de cette logique de désendettement a eu pour conséquence d'amener l'Algérie à cesser d'emprunter. Quant aux avantages qu'escomptent tirer les pouvoirs publics de ce désendettement, ils sont les suivants: «la réduction de la dépense extérieure en intérêts sur la dette, l'amélioration de l'appréciation économique extérieure du pays et le renforcement de la sécurité financière». Ce dernier argument, portant sur la sécurité est le plus important. Cela dit, on remarquera que s'il était fantaisiste d'envisager un remboursement anticipé il y a quelques années, lorsque les réserves de change étaient encore insuffisantes et que la fluctuation des cours du baril ne présageaient pas des recettes importantes à long terme, aujourd'hui cela devient tout à fait possible, voire souhaitable. Car il s'agit d'avoir à l'esprit les leçons du passé et de ne pas rééditer les erreurs du début des années 80. L'euphorie du début de la décennie, lorsque les cours étaient au plus haut, a vite cédé le pas à la panique, et pour maintenir, à partir de l'année 86 le train de vie princier de l'Etat, on s'était mis à emprunter à tout-va, dans une sorte de fuite en avant qui a mis le pays à genoux et préparé le lit des émeutes populaires du cinq octobre 1988. C'est que l'Algérie, prise en tenaille entre d'un côté un rétrécissement draconien de ses entrées, le baril étant tombé au plus bas, et une dette extérieure pharaonique qui écrasait de son poids le budget de l'Etat et le pressait comme un citron, fut contraint de se livrer pieds et poings liés aux bailleurs de fonds internationaux, avant d'être prise dans la gueule du loup du FMI. La conséquence de ce qui vient d'être dit, c'est que si les cours du pétrole venaient à chuter, comme entre 1986 et 1999, le pays ne deviendrait pas automatiquement la proie du chantage du FMI, puisqu'au moins il ne serait pas endetté. Cela dit, on aura remarqué au passage que l'Algérie a presque abandonné l'option «reconversion» de la dette en investissement, sans doute à cause du peu d'écho qu'elle a rencontré auprès des créanciers, mais aussi du fait d'un matelas financier qui lui permet de prendre en charge les grands chantiers, dans le cadre du plan de consolidation de la croissance. Il y a l'autre option qui consiste à acheter des armes. Bon, s'il s'agit de moderniser notre armée, pourquoi pas? Boumediene, lui, achetait des usines clefs en main, qui sont démantelées les unes après les autres après l'échec retentissant de l'industrie industrialisante. Tout comme le pays a eu à consentir de gros investissements dans des secteurs qui restent à la traîne: des complexes touristiques qui tournent à vide, puisqu'il n'y pas de touristes, ou la construction de barrages qui n'ont pas résolu les problèmes de l'eau de l'Algérie, puisqu'il y a au mieux, de l'eau un jour sur deux en Algérie, alors qu'elle coule 24h sur 24h dans les robinets au Maroc, Tunisie et Egypte. Du fait des vases communicants, il est tout à fait normal que les pays importateurs de pétrole veuillent récupérer en argent liquide ce qu'ils paient à la pompe, et donc le remboursement par anticipation pourrait servir au moins à cela, mais il serait bon qu'on tienne des états généraux de l'ensemble des cadres du pays pour savoir ce qu'il y a lieu de faire pour transformer cette manne providentielle en développement durable et en bienfaits pour les générations futures. Car il faut bien le dire, le pétrole est une énergie non renouvelable: seule une vision à long terme pourra sortir le pays du sous-développement. Tout esprit d'improvisation est à bannir.