D'escalade en escalade, la spirale de la violence dans les territoires palestiniens occupés se transforme peu à peu en effacement des signes de l'existence de l'Autorité palestinienne. La destruction, hier, du siège de la radio et de la télévision palestiniennes par l'armée israélienne n'est pas, en vérité, surprenante et entre en fait dans la logique qui meut depuis près d'un an, l'action du chef du gouvernement israélien, Ariel Sharon. Déjà dans l'opposition, le chef de la droite israélienne, n'avait pas reconnu le processus de paix et les accords qu'il a induits entre Palestiniens et Israéliens. Devenu Premier ministre de l'Etat hébreu, le boucher de Sabra et Chatila, par ailleurs, à l'origine de la seconde Intifadha, par ses provocations et sa profanation des Lieux saints musulmans de l'Esplanade des Mosquées, à El-Qods occupée, mit en application son objectif premier: détruire tout ce qui rappelle et justifie le combat palestinien pour la liberté et l'indépendance. Et l'existence de l'Autorité autonome palestinienne contredisait les affabulations des extrémistes israéliens et surtout faisait obstacle à la «judaïsation» des territoires palestiniens occupés. Dès lors, l'Autorité autonome et son président, Yasser Arafat, devenaient des cibles privilégiées de l'armée israélienne qui concentra sa répression de l'Intifadha par la destruction systématique de tout ce qui pouvait symboliser le pouvoir autonome palestinien. A chaque attaque ou attentat de la résistance palestinienne, Sharon, qui en faisait porter la responsabilité à Yasser Arafat, répliquait en détruisant ce qui représentait l'autonomie ( le siège de l'Autorité palestinienne à Ghaza, les structures de la police palestinienne à Ghaza et en Cisjordanie, le port de Ghaza et l'aéroport de Rafah devenus inutilisables et pour finir, la destruction de l'immeuble de la radio et de la télévision palestiniennes) et partant, l'Etat indépendant palestinien en devenir. Un Etat - Israël - doté de la plus puissante armée du Proche-Orient se livre, dans l'impunité totale, à l'écrasement d'un peuple, irréductible, coupable de défendre son droit et l'application des accords signés avec le gouvernement israélien. Durant sept ans, les gouvernements israéliens successifs ont tenté de vider les accords d'Oslo de leurs substances pour les réduire à une sorte de reddition des Palestiniens, mettant ainsi la plus mauvaise volonté de traduire sur le terrain les accords d'autonomie par le désengagement de l'armée israélienne. Or, les Israéliens, un semblant de paix obtenu, ont essayé de dévier le principe fondateur d'Oslo: la paix contre la terre, en réclamant la paix et la terre, singulièrement par la multiplication des implantations de colonies juives sur les territoires palestiniens occupés. Ce qui allait à l'encontre autant de l'esprit que de la lettre des accords conclus en 1993. Avec Sharon, c'était plus simple: depuis son accession au Premier ministère il s'est fixé pour objectif l'effacement de tout ce qui symbolise l'autonomie palestinienne. Cela dans l'indifférence et la veulerie de la communauté internationale qui ne réagit pas comme il se devait face à l'assassinat d'un peuple dont le seul tort est encore de réclamer son droit à l'édification de son Etat indépendant. Cette pusillanimité de la communauté internationale, ajoutée à la lâcheté du monde arabe qui observe un curieux et coupable silence devant le martyre palestinien, met encore plus en évidence la position du président américain, George W.Bush, qui se singularise par son incroyable feu vert aux exactions des Israéliens qui seraient, selon lui, en état de légitime défense. L'occupant israélien, encouragé dans ses exactions contre un peuple sans armes, qui vit la cruelle occupation dans sa chair, dans ses biens, dans la perte d'êtres chers. Voilà un Etat - Israël - qui utilise des armes de guerre contre un peuple désarmé, qui a fait de l'assassinat ciblé une norme politique, qui s'applique à détruire toute trace rappelant l'existence de l'Autorité autonome, qui refuse aux Palestiniens le droit de vivre indépendant, qui détient prisonnier, de fait à Ramallah, le président Arafat, sans susciter autrement l'indignation de la communauté internationale. La peur d'accusation d'antisémitisme aura-t-elle tétanisé la communauté internationale au point de laisser faire un criminel qui s'est donné pour objectif de réduire à sa merci tout un peuple? Si aujourd'hui un peuple qui appelle au secours ne peut être protégé contre son bourreau, à quoi peut bien servir l'ONU qui semble ainsi aussi impuissante à faire entendre raison aux puissants, qu'à prendre sous son « aile protectrice » un peuple qui subit depuis plus d'un demi-siècle un déni de justice et de droit. Mais comment pouvait-il en être autrement quand les règles du nouvel ordre international protègent les puissants tout en soumettant les faibles? Quand les Etats-Unis, par leur veto, refusent aux Palestiniens la protection internationale qu'ils réclament depuis un an? Aussi, devant le martyre que subit le peuple palestinien, la question ne semble plus se poser et ainsi se demander à quoi sert l'ONU, mais bien de savoir pourquoi une organisation des Nations unies quand, aujourd'hui, tout se décide à Washington. Il suffit d'un geste des Etats-Unis pour que les choses se remettent à l'endroit. Cependant, la Maison-Blanche est-elle seulement prête ou désireuse de faire ce geste propice à la sauvegarde du processus de paix et, à terme, celle d'un peuple qui croit à la paix et qui se bat pour l'instauration de la paix entre Palestiniens et Israéliens? Ce qui, de toute évidence, n'est pas le programme du bourreau des Palestiniens, le sinistre Ariel Sharon.