Le cabinet d'audit d'Andersen, qui a soumissionné pour la privatisation de la Sonelgaz, est au coeur d'un scandale. Le capital de la Sonelgaz désormais ouvert attise déjà les appétits de puissantes «multinationales» ; les cabinets conseils toujours en course pour piloter la réorganisation du secteur de l'électricité et du gaz jouent serrés pour s'approprier les marchés. Les enjeux sont tellement importants que dans le sillage des alléchantes offres de la Sonelgaz des scandales financiers éclatent au grand jour et l'on perçoit la fragilité de ces prestigieux audits financiers au label international. La lutte acharnée que se livreraient ces derniers serait-elle à l'origine du retard enregistré dans l'ouverture des plis des soumissionnaires il y a quelques jours? Pour rappel, les réformes engagées par le ministre de l'Energie et des Mines, M.Chakib Khelil, se poursuivent avec la préparation de la mise en place d'une commission de régulation de l'activité électricité et distribution de gaz naturel et la réorganisation de ces deux secteurs. Les appels d'offres internationaux avaient été lancés en vue d'obtenir l'assistance de consultants pour ces deux tâches. Pour la future commission de régulation, Ernst Young et Nera Economic Consulting ont remporté le marché. Quant à la réorganisation des deux activités - qui se traduira par la création de nouvelles sociétés issues de la Sonelgaz - les soumissionnaires sont Arthur Andersen (France), Mazars Guerard (France), Price Water House Coopers (Belgique) et Deloitte Touche Dikstein Shapiro (Etats-Unis). Or, ce qui est intéressant de retenir dans la «short-list» établie par la Sonelgaz c'est la présence de deux noms : Arthur Andersen et Ernst Young, tous deux ayant de graves antécédents financiers dans de sombres affaires. Ainsi Andersen, longtemps connu sous le nom d'Arthur Andersen est derrière la plus grande faillite jamais enregistrée de l'histoire des Etats-Unis en l'occurrence celle d'Enron, le plus grand courtier du monde en énergie. Ces dernières semaines, les révélations se sont succédé sur l'incapacité d'Andersen à contrôler depuis des années la véracité des comptes de l'un de ses principaux clients: Enron. Andersen, l'actuel soumissionnaire à Sonelgaz, était alors dénoncé pour son incompétence ou sa négligence. Il doit faire face désormais à une enquête criminelle lancée par le département de la justice américaine avec l'appui de la SEC (Securities Exchange Commission), le gendarme des marchés, à des investigations conduites par des actionnaires d'Enron. A l'origine du scandale, un cadre d'Arthur Andersen, qui a sciemment détruit des documents relatifs à Enron alors qu'une enquête était en cours sur les pratiques comptables du courtier en énergie et qui ont mené à la plus grande banqueroute de l'histoire du pays de l'Oncle Sam, a reconnu, mardi 15 janvier, le cabinet d'audit. Le partenaire David Duncan, qui supervisait l'audit des comptes d'Enron, a été limogé mardi et trois autres cadres ont été suspendus, a indiqué Arthur Andersen, l'un des cinq plus grands cabinets d'audit du monde, dans un communiqué. Arthur Andersen, chargé de contrôler les comptes d'Enron depuis longtemps, se retrouve désormais au coeur du scandale déclenché par sa faillite. Et même ces 9,3 milliards de dollars de chiffre d'affaires l'an dernier et de ces 85.000 salariés présents dans 84 pays ne pourraient payer les milliards de dollars de dommages et intérêts réclamés par ses accusateurs. Or, et en dépit de ces lourdes charges, il convient de noter qu'Andersen est présent en force en Algérie: Andersen pilote le projet de modernisation du secteur financier algérien ; projet Meda de l'Union européenne, Andersen a les faveurs du ministère de l'Energie pour piloter la réorganisation de la Sonelgaz, projet financé par la Banque mondiale. Ce cabinet souhaite prendre pied dans le processus de privatisation en Algérie, relève une source informée. Les observateurs en viennent à se demander «comment un cabinet mêlé dans de sordides affaires continue d'avoir les faveurs des fonctionnaires européens et surtout algériens». Des affaires scabreuses ont également touché Ernst Young il y a quelques années, ajoute la même source. Ce cabinet se trouve aujourd'hui responsable du projet, avec Nera, de la mise en place de la commission de régulation énergétique dans notre pays. La Sonelgaz se permettrait-elle le luxe de ne pas regarder à la loupe le passif de ses partenaires? Difficile à croire, car ce qui fait la crédibilité et la notoriété d'un consultant, c'est avant tout son intégrité fiscale. Sinon, comment expliquer que la Sonelgaz accepte de traiter avec un Ernst Young ou pire avec un Arthur Andersen qui défrayent la chronique sous d'autres cieux. Le choix serait-il alors politique ou quelque autre contrepartie aurait-elle été consentie? Toujours est-il que l'Etat continue à allouer des sommes financières importantes à la distribution de l'électricité et du gaz dans le cadre de la relance du programme de la relance économique.