Les putschistes guinéens qui ont capturé dimanche le président Alpha Condé et annoncé la dissolution des institutions devaient en dire plus sur leur plan de marche après un coup d'Etat, largement condamné par la communauté internationale mais salué par des scènes de liesse à Conakry. Le chef des putschistes en Guinée, important producteur de bauxite et de minerai, a tenté de rassurer les partenaires et investisseurs étrangers en déclarant, hier, que les nouveaux maîtres de Conakry tiendraient leurs engagements, et a demandé aux compagnies minières de poursuivre leurs activités. Le comité mis en place par les putschistes assure «les partenaires économiques et financiers de la poursuite normale des activités dans le pays», a déclaré le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans un discours. «Le comité assure les partenaires qu'il respectera toutes ses obligations», a-t-il dit tout en promettant qu'il «n'y aura pas de chasse aux sorcières». Le chef des putschistes en Guinée a promis hier la mise en place d'un «gouvernement d'union nationale» chargé de conduire une période de «transition» politique, et assuré qu'il n'y aurait pas de «chasse aux sorcières» contre l'ancien pouvoir. «Une concertation sera ouverte pour décrire les grandes lignes de la transition, ensuite un gouvernement d'union nationale sera mis en place pour conduire la transition», a dit le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya dans un discours, sans toutefois préciser la durée de la concertation ni de la transition. Les militaires ont dressé à l'entrée du centre ville des barrages contrôlés par des soldats des forces spéciales, assistés de quelques hommes du Bataillon autonome des troupes aéroportées. Les putschistes avaient convoqué les ministres sortants et les présidents des institutions à une réunion au Palais du peuple, siège du Parlement, dans un format qu'ils n'ont pas précisé. Un collectif qui avait mobilisé pendant des mois contre un troisième mandat du président Condé a indiqué que ses membres emprisonnés seraient libérés vers 11h30. Les forces spéciales guinéennes conduites par leur commandant, le lieutenant-colonel Mamady Doumbouya, disent mettre fin à «la gabegie financière, la pauvreté et la corruption endémique» ou encore «l'instrumentalisation de la justice (et) le piétinement des droits des citoyens». Les militaires affirment vouloir rendre «la politique au peuple». Ils ont proclamé dissoudre le gouvernement, les institutions et la Constitution qu'avait fait adopter M. Condé en 2020 et dont il s'était servi pour se présenter la même année à un troisième mandat, malgré des mois de contestation meurtrière. Ils ont promis une période de transition, à la manière du voisin malien, théâtre d'un putsch récemment. Un message lu sur la télévision guinéenne a fait état de la réouverture des frontières aériennes. Le coup de force parachève des mois de grave crise politique et économique, aggravée par la pandémie de Covid-19. Aucun décès n'avait cependant été rapporté officiellement après le putsch, malgré le crépitement intense des armes automatiques dans le centre de Conakry dimanche matin. Aucun incident majeur n'a été signalé dans la nuit de dimanche à lundi. C'est un nouveau coup de force en Afrique subsaharienne en un an, après le Mali en 2020 ou le Tchad en 2021. L'apparent épilogue de plus de dix années de régime Condé a donné lieu à des scènes de joie dans différents quartiers de la capitale, notamment dans les banlieues réputées favorables à l'opposition. Il a en revanche suscité une large réprobation internationale, du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, à l'Union africaine en passant par la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest (Cédéao) et l'Union européenne. La France a dit se joindre à la condamnation de la Cédéao et à l'appel à «la libération immédiate et sans condition du président Condé». Les Etats-Unis ont également condamné le coup d'Etat qui, ont-ils prévenu, pourrait «limiter» la capacité américaine à soutenir la Guinée. Les principaux dirigeants de l'opposition guinéenne ne se sont pas encore prononcés sur les évènements. Mais le Front national pour la défense de la Constitution (FNDC), coalition de mouvements politiques et de la société civile qui a mené la contestation contre le troisième mandat, a appelé la population de Conakry à aller accueillir ses membres «qui seront libérés à partir de 11h30». La presse guinéenne a cité une note du lieutenant-colonel Doumbouya ordonnant la libération de tous les prisonniers politiques.