Dans un spectaculaire revirement, le Royaume marocain a donc fini par dire oui, après avoir dit non, à la proposition du secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, qui entendait nommer l'Italo-Suédois, Staffan de Mistura, comme nouvel envoyé spécial des Nations unies au Sahara occidental, un poste vacant depuis la démission de Horst Kohler, en 2019. Rabat a ainsi donné son accord à cette nomination, notifié mardi dernier, selon le sulfureux ambassadeur marocain à l'ONU, Omar Hilale, qui a indiqué à l'agence MAP que «des consultations étaient en cours» et que le Conseil de sécurité donnerait son aval dans les jours prochains. Il est clair que cette volte-face du Palais résulte des fortes pressions exercées par le Conseil de sécurité, et plus particulièrement les Etats-Unis, qui n'ont eu de cesse, depuis des mois, d'exprimer leur impatience de voir un envoyé spécial engager la mission d'une relance des négociations entre les parties au conflit. Si la proposition de Guterres avait reçu l'accord quasi immédiat du Front Polisario, en avril dernier, le Royaume marocain a cru, pour sa part, rentable la politique du blocage qui l'a vu rejeter pas moins de dix propositions sur les treize effectuées par le SG de l'ONU! «L'accord du Maroc émane de sa confiance permanente et son soutien constant aux efforts du secrétaire général de l'ONU pour parvenir à une solution politique, réaliste, pragmatique, durable et de compromis au différend régional», a déclaré, avec un sans-gêne rare, l'ambassadeur du Makhzen à l'ONU, tentant, comme à son habitude, de présenter un camouflet comme une nouvelle victoire de la diplomatie marocaine. La question du Sahara occidental, une ex-colonie espagnole considérée comme un «territoire non autonome» par l'ONU et donc éligible à un référendum d'autodétermination, empoisonne les relations aussi bien dans la région maghrébine que dans l'espace méditerranéen, le Royaume marocain cherchant sans cesse à imposer son occupation illégale malgré les résolutions du Conseil de sécurité et les dispositions du droit international. Le dernier envoyé spécial de l'ONU, l'Allemand Horst Köhler, n'a pas été remplacé, après sa démission en mai 2019, officiellement pour des «raisons de santé» alors que chacun connaît les vrais motifs de son départ. Guterres avait alors proposé une douzaine de candidats, durant les deux dernières années, mais le Royaume marocain, soutenu par des puissances occidentales, notamment la France et l'Espagne, avait systématiquement oeuvré pour le statu quo qui lui permettait de poursuivre le pillage des ressources du peuple sahraoui. Un pillage qui sera, vraisemblablement, dénoncé, le 29 septembre prochain, par la Cour de justice européenne, appelée à confirmer ses deux jugements précédents sur l'invalidité de l'accord commercial entre l'Union européenne et le Makhzen. «Une fois nommé (...), M. de Mistura pourra compter sur la coopération et le soutien, sans faille, du Maroc dans la mise en oeuvre de sa facilitation pour le règlement de ce différend régional», a assuré Omar Hilale qui oublie un peu vite le rejet, pendant des mois, de cette candidature, en fin de compte avalée à coups de semonces états-uniennes. Mais qu'il se rassure, Staffan de Mistura est un diplomate accompli qui a effectué de nombreuses missions pour les Nations unies, la dernière ayant concerné la Syrie où il était l'envoyé spécial de 2014 à 2018, après avoir oeuvré en Irak (2004-2009) et en Afghanistan (2010-2011). Nul doute que le Makhzen aura beaucoup de mal à le contraindre à jeter l'éponge.