Abdelkader Bensalah, l'ancien président de la République par intérim, du 9 avril au 29 décembre 2019, est mort, hier matin, à l'âge de 80 ans, d'un cancer qui était devenu visible sur sa physionomie, en raison des traces de chimiothérapie, le jour même de la prise de fonction de président intérimaire, suite à la chute de Abdelaziz Bouteflika. Bensalah est apparu sur scène, pour la première fois, lors de la Commission du dialogue qu'il dirigeait conjointement avec le général Derradji et Kacem Kébir. Cette structure a tenu sa conférence en janvier 1994, au moment où des conciliabules étaient en cours entre les décideurs et Abdelaziz Bouteflika, pour le poste de président, mais sans succès. Bensalah est apparu, ce jour-là, hagard, devant les journalistes aux aguets au Palais des nations de Club des Pins, en disant: «Bouteflika a refusé le poste, il a pris un vol vers la Suisse.» Mais ce ne sera que partie remise. Dès ce moment-là, la mission est confiée au Haut Conseil de Sécurité (HCS), selon l'article 6 de la plate-forme de la Commission de dialogue national. En effet, le HCS a désigné Liamine Zeroual au poste de président de la République. Rappelons que Ali Kafi avait occupé le poste d'intérimaire depuis le jour de l'assassinat de Boudiaf (29 juin 1992) jusqu'au 25 janvier 1994, avec une rallonge de plus d'un mois, faute de consensus pour son remplacement. Il occupa le poste de président du Conseil national de transition (Parlement désigné), de 1994 à 1997, il est choisi pour annoncer la naissance du Rassemblement national démocratique (RND), qui a réussi à gagner les élections législatives, après deux mois d'existence. Bensalah présidera, bien évidemment, l'APN de 1997, tout en gardant le secrétariat général du RND, jusqu'à 1998 pour le confier à Tahar Benbaïbèche. Il le reprendra en 2013, suite à la guerre larvée entre Ahmed Ouyahia, qui en avait pris le contrôle, et le groupe des dissidents dirigé par Kacem Kébir. Dès son installation à la tête de l'Etat, en décembre 1999, Bouteflika a clairement signifié à feu Bachir Boumaza, président du Sénat (créé par l'amendement de la Constitution sous Zeroual), de «préparer la valise». Un vieux litige existait auparavant entre les deux hommes; Boumaza avait démissionné du Conseil de la Révolution, installé suite au coup d'Etat de 1965 contre Ben Bella, et est parti s'installer à l'étranger (en Suisse). Bensalah devient donc président du Sénat en 2002 et y restera jusqu'à 2019. Ainsi, il aura cumulé le plus long mandat de parlementaire, de 1977 à 2019, avec de courtes coupures, après la dissolution de l'APN par Bendjedid, le jour même de sa destitution (12 janvier 1992) par les «janviéristes». Né le 24 novembre 1941 à Oran, Bensalah obtient une bourse d'études en droit à Damas, au lendemain de l'indépendance du pays. Dès son retour, il intègre, en 1967, la rédaction d'Echaâb. Il est désigné chef du Centre culturel algérien à Beyrouth de 1974 à 1977. Dès son retour, il est désigné directeur du journal Echaâb, pour une courte durée, puisqu'il sera élu député la même année, pour entamer une longue carrière de parlementaire, en côtoyant tous les chefs d'Etat et de gouvernement depuis Boumediene à Tebboune. Son mandat d'intérimaire sera marqué par sa visite en Russie, pendant la montée du Hirak, où il s'est rendu à Sotchi et a rencontré Vladimir Poutine à qui il a confié que la situation «est sous contrôle», déclaration qui a suscité de vives polémiques. Comme il s'est déplacé en Egypte pour féliciter les joueurs de l'EN de foot, qui avait remporté la coupe d'Afrique. Comme on met à son actif plusieurs prises de décision, comme la création de wilayas déléguées ou la désignation aux hautes fonctions de l'Etat. Le président Tebboune lui remettra la plus haute distinction, en le décorant de la médaille Sadr. Mais une fois l'élection présidentielle terminée, Bensalah refusera de reprendre son poste à la tête du Sénat, qu'il avait cédé à Salah Goudjil. Il souffrait déjà du cancer, sans le divulguer, malgré son déclin physique visible à l'oeil nu.