Abdelkader Bensalah succèdera à lui-même à la tête de la seconde institution de l'Etat. Abdelkader Bensalah, 65 ans, a fait un parcours fulgurant. Une physionomie toute en rondeur dresse le portrait idéal d'un commis de l'Etat, à l'opposé du profil cassant d'un Boumaâza détonnant. Les lunettes en écaille masquent bien le regard éteint ou en biais d'un homme qui s'applique, au fil des ans, à creuser un destin d'homme d'Etat auquel rien ne le destinait. Lorsqu'il atterrit au quotidien Echaâb en 1967, 2 rue Mohammed V, personne n'aurait parié sur son étoile. Pourtant, une année plus tard, il devient correspondant d'El-Djoumhouria au Moyen-Orient. En 1974, il prend la direction d'Echaâb. En moins de dix ans de journalisme, il devient directeur d'un des plus grands journaux qui façonnent l'opinion sur la place d'Alger. En 1977, il décroche un mandat de député FLN dans le premier Parlement élu. Il est réélu en 1982 puis en 1987. Il reste à l'APN jusqu'à sa dissolution par Chadli Bendjedid, en janvier 1992. Sa traversée du désert est une virée au paradis. On le retrouve ambassadeur en Arabie Saoudite puis porte-parole des affaires étrangères jusqu'à 1993. Cette année-là, Liamine Zeroual décide de créer une Commission du dialogue national (CDN) pour préparer une conférence nationale devant aboutir sur la définition des contours d'un nouveau régime. Aux côtés de Kassem Kébir et deux généraux, Mohamed Touati et Tayeb Derradji, il mène à bien cette mission. En janvier 1994, s'ouvrent les travaux de la Conférence du dialogue national au Club des pins. Le porte-parole de la commission, Abdelkader Bensalah, apparaît pour la première fois sous les feux de la rampe. Il bégaie, cherche difficilement les mots pour expliquer la situation. L'exercice est périlleux. Mahfoud Nahnah quitte la conférence parce qu'il vient d'apprendre que le corps de Mohamed Bouslimani est retrouvé dans un cimetière à Boufarik. Boukrouh décide de boycotter à son tour parce que l'article 6 de la plate-forme de la CDN donne les prérogatives de désignation du chef de l'Etat au Conseil national de sécurité. On imagine la gêne dans laquelle se trouve Bensalah. Il s'en sort tant bien que mal. Il sera largement récompensé. Il devient, la même année, président du Conseil national de transition (CNT), une sorte de Parlement désigné, puis président du nouveau parti, le RND, puis député élu puis président de l'APN, la même année 1997. Il est réélu en 2002. Il démissionne. Bouteflika le désigne, quelques jours plus tard, dans le tiers présidentiel du Sénat, en remplacement de feu Mohamed-Chérif Messaâdia qui vient de décéder. Il préside le Sénat jusqu'à ce jour. Tout compte fait, Bensalah aura passé 27 ans de sa vie au Parlement dont 22 à l'hémicycle. Il connaît les rouages, les coulisses, les intrigues de l'APN. Il résume, à lui seul, l'histoire du législatif algérien. Il n'a pas figuré dans l'éphémère Assemblée constituante de 1962. Il était trop jeune, hélas. Mais il a obtenu les plus hautes distinctions de l'Etat, dont la magnifique médaille du Mérite national. Que peut-il espérer de mieux? Aujourd'hui, les pronostics vont bon train. Partira, partira pas. La question usuelle revient comme un leitmotiv: par qui le remplacer? Bensalah est un peu usé par le long travail en sous-sol. Il a le droit à une retraite dorée. Mais, quand on a fait la moitié de sa vie aux affaires de l'Etat, on se dit toujours qu'on pourrait servir encore quelques années.