«Le peuple contre le coup d'Etat»: plus de 5.000 personnes ont manifesté, hier, dans le centre de Tunis pour dénoncer le coup de force du président Kaïs Saïed qui s'est arrogé les pleins pouvoirs le 25 juillet, après avoir mis fin au gouvernement Mechichi et gelé les activités du Parlement pour une période d'un mois reconductible. Malgré un filtrage et beaucoup de contrôles, plus de 5.000 personnes, selon les observateurs, ont afflué vers l'avenue Bourguiba, pour manifester à l'appel de différentes formations opposées au président dont le parti d'inspiration islamiste Ennahdha. Selon une source policière, elles étaient au moins 3.000 au début du rassemblement et la foule a continué de grossir. «Je suis venu en tant que démocrate et partisan de Moncef Marzouki», l'ex-président tunisien (2011-2014) qui réside à Paris, a confié un quinquagénaire, en achetant un petit drapeau à un vendeur avant de rejoindre la manifestation. Toute une portion de l'avenue Bourguiba était néanmoins interdite aux manifestants. Des check-points ont été mis en place aux extrémités avec contrôle des sacs et filtrage des manifestants. Certains se sont plaints de manoeuvres d'intimidation des policiers pour les empêcher d'avancer. Une voix dans la foule a protesté à l'adresse des contrôles policiers: «le rassemblement est bloqué», «honte sur vous».Le gros des protestataires se sont massés devant le théâtre municipal et dans la partie de l'avenue Bourguiba couverte d'arcades qui mène à la médina (vieille ville). «Le peuple contre le coup d'Etat», «Elève la voix, la Révolution ne meurt pas», ont crié les manifestants, dont beaucoup d'hommes et femmes, qui se sont identifiés comme sympathisants d'Ennahdha, la bête noire du président Saïed. Après des mois de blocage politique et en pleine grave crise socio-économique et sanitaire, M. Saïed a invoqué le 25 juillet un «péril imminent» pour limoger le Premier ministre, suspendre les activités du Parlement et reprendre en main le pouvoir judiciaire. Après deux mois d'incertitudes, le 22 septembre, il a promulgué un décret qui officialise la suspension de plusieurs chapitres de la Constitution et instaure des «mesures exceptionnelles», censées être provisoires, le temps de mener des «réformes politiques», dont des amendements à la Constitution de 2014. En attendant, le président a maintenu le gel du Parlement -et les salaires des députés-, légifère lui-même par décrets et préside le conseil des ministres. Le 29 septembre, il a nommé la scientifique Najla Bouden comme Premier ministre et la formation d'un nouveau gouvernement est attendue d'un jour à l'autre. Après le coup de force du président, des organisations tunisiennes et internationales ont critiqué un «accaparement du pouvoir» et disent craindre pour les droits et libertés publiques tandis que d'autres ont salué un sursaut attendu par le peuple tunisien confronté à une crise sanitaire et socio-économique des plus graves. Par ailleurs, la composition du nouveau gouvernement en Tunisie sera annoncée dans les prochaines heures, a affirmé le président de la République, Kaïs Saïed, à l'issue de son entretien, samedi soir, au palais de Carthage avec Ridha Gharsallaoui, chargé de gérer le ministère de l'Intérieur, a rapporté l'agence de presse tunisienne TAP. Il a ajouté que les prochaines échéances seront annoncées dans le cadre du dialogue qui sera instauré avec le peuple tunisien et les représentants des jeunes particulièrement dans les régions. Le président tunisien a critiqué «ceux qui complotent contre la Tunisie afin de régler des comptes avec le chef de l'Etat, estimant que les gens qui ont manifesté, aujourd'hui, à Paris pour compromettre le Sommet de la francophonie incarnent l'idée du colonialisme», ajoute la même source. M. Saïed a dénoncé les appels aux pays étrangers à s'ingérer dans les affaires locales, faisant allusion à la manifestation conduite par l'ancien président, Moncef Marzouki. Par ailleurs, il a salué les efforts fournis par Ridha Gharsallaoui en cette étape charnière de l'histoire de la Tunisie, ainsi que ceux consentis par les forces de sécurité pour maintenir l'ordre et préserver les droits et libertés.