Ils étaient plusieurs milliers samedi dernier, avenue Bourguiba, à Tunis, pour participer à la marche organisée par le parti Ennahdha qui entendait ainsi démontrer «l'inquiétude» des Tunisiens, en général, face à une situation de blocage politique et de crise économique aggravée par la pandémie du nouveau coronavirus. Dans un communiqué, Rached Ghannouchi, chef de la formation islamiste, a dénoncé une montée des tensions entre les différents partis tunisiens, un discours politique agressif et une indifférence par rapport aux fortes attentes des citoyens. Cela fait plus d'un mois que la Tunisie vit au rythme des conflits entre les trois présidences. Un bras de fer oppose, depuis janvier dernier, le chef de l'Etat, Kaïs Saïed, au chef du gouvernement, Hichem Mechichi, à cause du remaniement effectué par ce dernier. Saïed refuse de procéder à la traditionnelle prestation de serment, arguant que quatre des onze nouveaux ministres, choisis par Mechichi, sont soupçonnés de corruption ou de conflit d'intérêt. Le chef d'Ennahdha, également président de l'Assemblée des représentants du peuple (ARP), le Parlement tunisien, a apporté son soutien au chef du gouvernement, dans ce bras de fer inédit qui voit le pays voisin en situation de blocage. Prenant acte de la volonté du Parti destourien libre, dirigé par Abir Moussi, la passionnaria tunisienne, de déposer contre lui, prochainement, une deuxième motion de retrait de confiance pour le destituer de son poste de président de l'ARP, Rached Ghannouchi a donc effectué une démonstration de force, destinée à prouver que son parti est bien la principale formation politique du pays et qu'il faut compter avec lui. Raillant la présence du dirigeant du Front Populaire, Hamma Hammami, sur l'avenue Mohamed V, avec une foule de manifestants, il a affirmé que «cette marche vient, aussi, confirmer l'adhésion des Tunisiens à un Etat démocratiques, avec des institutions élues, conformément à la Constitution de 2014, et qu'elle atteste de la solidarité entre les institutions de l'Etat». Par son ampleur, a-t-il ajouté, elle interpelle les «positions irresponsables» qui visent à «déstabiliser le processus démocratique, remettre en question sa fiabilité et perturber le travail du gouvernement en place». Se faisant l'avocat des Tunisiens en situation socio-économique difficile, le chef d'Ennahdha a appelé les dirigeants politiques, dont le chef de l'Etat Kaïs Saîed vraisemblablement, à assumer leur responsabilité en empruntant la voie du dialogue pour délimiter les étapes que doit traverser le pays. En attendant, la Tunisie ne voit toujours pas le bout du tunnel, au point que les bailleurs de fonds internationaux se sont émus de la situation de blocage et exhortent à la sagesse pour trouver une solution à même de satisfaire l'ensemble des parties.«Le peuple veut le dialogue, le peuple veut le dialogue, le peuple veut le dialogue! Le peuple veut de l'affection entre Tunisiens, le peuple veut de la coopération entre Tunisiens, le peuple rejette le chaos et le populisme, le peuple veut la démocratie», a clamé dans son discours, applaudi, aux cris d'Allah Akbar, par les milliers de sympathisants, Rached Ghannouchi. Et, en guise de geste symbolique significatif, il a offert un bouquet de fleurs aux agents de la Garde présidentielle sur les lieux, non sans saluer leurs martyrs ainsi que ceux de l'armée et du mouvement national tunisien. Comme invite à «restaurer l'unité, le dialogue et cesser toute exclusion», il ne pouvait en être autrement. Quant à savoir si ce plaidoyer suffira à troubler ou émouvoir le président Kaïs Saïed, c'est une autre paire de manches...