La capitale tunisienne a vécu un samedi noir, avec une manifestation a priori pacifique, dans le cadre d'une journée nationale populaire en hommage au militant syndicaliste et leader de la gauche tunisienne Chokri Belaïd, assassiné voici huit ans. Dans les rues, tout autour de l'avenue Bourguiba, militarisée, les jeunes manifestants et des avocats se sont heurtés à une forte mobilisation policière, déterminée à en découdre au motif que des slogans insultants ont été proférés par les jeunes des quartiers où se déroulent, depuis plusieurs semaines, des échauffourées nocturnes. Des avocats, des politiciens, des citoyens, des syndicalistes et des activistes de la société civile qui ont emprunté les différents axes aux alentours immédiats de l'avenue Habib Bourguiba dont tous les accès avaient été verrouillés par les forces de l'ordre pour contraindre la manifestation destinée à commémorer le 8ème anniversaire du meurtre de Chokri Belaïd dont certaines pistes mettent en cause une cellule secrète du parti islamiste Ennahdha, au sein même du ministère de l'Intérieur, à cette époque. Aujourd'hui encore, la question de savoir qui a tué Chokri Belaïd ainsi que Mohamed Brahmi demeure toujours sans réponse. Le fait est que les violences policières, dénoncées avec force par les organisations politiques et par la puissante Union générale des travailleurs tunisiens, ont culminé, ce dernier samedi, à Tunis où le dispositif policier mis en place dans les points névralgiques de la capitale visait clairement à étouffer la manifestation. Ce climat de violence semble s'aggraver, au fil des semaines, depuis le début des manifestations nocturnes dans les quartiers périphériques de la capitale et d'autres villes à l'intérieur du pays. A en croire les réseaux sociaux mais aussi les médias et certaines ONG peu susceptibles de verser dans la propagande, la violence policière a été nettement disproportionnée. En témoignent les quelque 1500 jeunes dont des mineurs toujours en détention, une situation dénoncée par diverses ONG tunisiennes. Et en témoigne, aussi, le dérapage dont a été victime un avocat, samedi dernier, molesté par les forces de l'ordre. Manifestement, les ordres sont donnés qui visent à contenir, coûte que coûte, la contestation d'une population confrontée à une précarité de plus en plus dramatique et à la menace de la pandémie de Covid-19 persistante. Désigné par le président Kaïs Saïed, Hichem Mechichi n'a obtenu le vote de confiance du Parlement qu'après avoir accepté les conditions de la troïka composée d'Ennahdha, la coalition al Karama et Qalb Tounes. Du coup, le chef de l'Etat tunisien a refusé la prestation de serment d'un gouvernement dans lequel siègent, affirme-t-il, un ministre soupçonné de corruption et trois autres de conflit d'intérêt. Et c'est pourquoi la Tunisie se retrouve dans une situation de blocage dont les conséquences peuvent être graves au double plan politique et socio-économique. Ainsi, le gouvernement Mechichi se découvre tributaire de la stratégie d'Ennahdha qui mène le bal, depuis 2011 et, sous prétexte de sceller un pacte viable, a réussi à enterrer, les uns après les autres, tous ses «partenaires», dont Nidaa Tounes qui faisait figure, dans cette alliance opportune entre Rached Ghannouchi et Béji Caïd Essebsi, de locomotive à vapeur. La vapeur est restée mais la locomotive a disparu!