L'Expression: L'Algérie célèbre le 67éme anniversaire de la révolution de novembre 54, dans un contexte politique exceptionnel. Quels enseignements pouvons-nous tirer en tant que génération de l'indépendance? Mounir Bahadi: La révolution est l'acte humain le plus concentré et le plus intense de l'histoire culturelle, à travers lequel le peuple exprime sa volonté collective du vivre ensemble. L'acte qui se distingue par sa spécificité sociale, culturelle et politique indépendante, qui tend vers la liberté et la réalisation de l'identité politique de l'Etat et de la société. Une oeuvre qui a été réalisée par la révolution de libération algérienne, à travers la restauration de l'indépendance et l'édification de l'Etat algérien contemporain. En plus de ces acquis politiques majeurs réalisés par la génération de la révolution, celle de l'indépendance doit penser à conceptualiser ou encore à théoriser ces acquis, afin de construire une conscience nationale contemporaine. Une conscience fondée sur des méthodologies et des instruments des sciences humaines contemporaines, à travers une analyse et une connaissance des composants de cet acte humain concentré et intensifié. Cela, en plus de la position dans laquelle la génération de la révolution a placé l'histoire, en provoquant un saut politique, comprenant une symbolique dans laquelle l'authentique et le contemporain se fondent dans une harmonie distincte. Cette harmonie a, elle-même, constitué une nouvelle synthèse, qui sera interprétée dans le langage de la rhétorique comme un miracle, qui mérite d'être explicité scientifiquement dans le but de contribuer à construire une nouvelle conscience nationale. Comment l'Algérie peut-t-elle se prémunir des atteintes à sa mémoire, son identité? Assurer la sauvegarde de l'unité nationale réside dans la poursuite de la construction de l'Etat contemporain dans l'esprit et les valeurs de la révolution de libération algérienne. Cela ne peut advenir que par l'enracinement d'une authentification de la modernisation et une modernisation de l'authentique, en fonction des moyens, des outils et des programmes des sciences contemporaines. En plus d'une maitrise de la connaissance scientifique de la valeur de notre patrimoine et héritage spirituel algérien, qui a doté l'humanité de valeurs, de sens et d'idées dans les domaines spirituels et juridiques, tels que les valeurs de liberté, de libération, de tolérance et de traitement des prisonniers de guerre... Outre la modernisation continue de la construction étatique, il faut distinguer et différencier entre les crises des intellectuels héritées, de celles (crises) des sciences humaines, liées aux manuels et leurs barrières idéologiques et doctrinales, et celles liées à la culture sociale dominante associée aux institutions éducatives en général, et les institutions religieuses et scolaires en particulier, avec celles qui sont directement liées au projet de continuité dans l'actualisation et la modernisation de l'Etat. Cela, à travers une réponse perspicace aux attentes de l'ère moderne, par la généralisation de la science et les valeurs spirituelles et civilisationnelles humaines de notre société algérienne. Quel est le rôle que doivent jouer les institutions nationales pour amener la jeunesse à s'intéresser à l'histoire? Le travail sur la création d'une conscience nationale et d'un imaginaire politique par des moyens techniques et artistiques contemporains, repose sur l'intérêt à accorder pour l'audiovisuel et son développement. Il faut investir dans le patrimoine culturel, social et politique telle que la réalisation de films et de séries sur la résistance et la révolution nationale, les focus sur les personnalités religieuses, scientifiques et littéraires, ainsi que les monuments, antiquités et institutions et leur rôle dans la formation de la conscience et la création de l'imagination. En fait, l'industrie cinématographique et de l'art de l'image se sont transformés en facteurs essentiels dans la formation de la conscience et, ce faisant se sont reconvertis en vecteurs de fabrication de l'avenir et de l'histoire des peuples et des Etats. Quel est le rôle, à votre avis, de la culture comme instrument dans la lutte contre l'oubli, la spoliation de la mémoire et sa renaissance? Le rôle de la culture dans la préservation de la mémoire réside dans l'évocation et la valorisation du patrimoine culturel et civilisationnel, à travers des images et des formes contemporaines. Pour ce faire, il faut s'appuyer sur des moyens numériques et audiovisuels, et en faisant appel aux créateurs, aux personnes intéressées, aux élèves et étudiants dans les espaces de créativité, sachant que les institutions culturelles sont dans un lien structurel avec les établissements d'enseignement. C'est-à-dire, en conformité avec le programme d'enseignement et les programmes d'études comme base pour la création d'une conscience nationale. D'aucuns pensent que la réécriture de l'histoire est à même de rétablir la situation? Réécrire l'histoire selon les méthodes scientifiques contemporaines contribue à faire prendre conscience de l'histoire, et à construire une vision claire de l'avenir. Seulement, elle a besoin d'autres facteurs fondamentaux, en particulier l'art de faire des images, qui contribue principalement à la création de l'imagination, qui est à son tour une base dans la fabrication d'une conscience historique et sociale. Or, il existe plusieurs instruments qui contribuent dans le façonnage de la conscience historique nationale, comme les manuels et programmes scolaires, culturels et artistiques à travers l'élaboration d'une stratégie nationale scientifique et culturelle globale. La refonte des manuels scolaires peut-elle contribuer dans ce contexte? Réécrire l'histoire selon les méthodes scientifiques contemporaines contribue à faire prendre conscience de l'histoire et à construire une vision claire de l'avenir. Mais, elle a besoin d'autres facteurs fondamentaux, en particulier l'art de faire des images, qui contribue principalement à la création de l'imagination, qui est à son tour, une base dans la fabrication d'une conscience historique et sociale.