L'Iran a marqué des points en réussissant à faire inscrire comme point prioritaire la levée des sanctions dans les documents qui serviront de base de discussions, lors du prochain round des pourparlers sur le nucléaire à Vienne, estiment des experts. Après cinq mois d'interruption, les négociations pour sauver l'accord international sur le nucléaire iranien conclu en 2015 ont repris fin novembre. L'enjeu des pourparlers vise à faire revenir dans le pacte les Etats-Unis qui l'avaient quitté en 2018 et rétabli des sanctions contre Téhéran. En s'appuyant sur ses alliés russe et chinois, en répétant ses positions et en lâchant au dernier moment «comme geste de bonne volonté» l'atout qu'il avait dans sa manche -le remplacement de caméras de surveillance sur un site nucléaire-, l'Iran a fait bouger les lignes, selon des experts. A l'issue de la dernière session de discussions, «il y a deux textes: l'un sur les sanctions et l'autre sur les activités nucléaires. C'est déjà une étape importante, car avec le retrait des Etats-Unis et les sanctions qu'ils avaient imposées, l'accord était pratiquement stoppé», explique le politologue iranien Hossein Kanani-Moghaddam.»Maintenant on peut dire qu'il y a les conditions préliminaires pour un retour des Américains dans l'accord», ajoute-t-il. Réunis avec leurs homologues d'Iran, de Chine et de Russie, de hauts diplomates de France, d'Allemagne et du Royaume-Uni (E3) ont bouclé vendredi la septième session de négociations après plusieurs jours de discussions «dures et intenses» selon Téhéran. Ils n'ont pas fixé de nouveau rendez-vous, espérant se retrouver avant le Nouvel an. «L'ensemble des autres partenaires de l'Iran étaient prêts à poursuivre les discussions», ont souligné les diplomates du groupe E3, appelant les Iraniens à les «reprendre rapidement». Le ministère iranien des Affaires étrangères Saïd Khatibzadeh a assuré pour sa part que la pause avait été décidée d'un commun accord. Selon lui, «les parties se sont mis d'accord sur deux nouveaux textes». «Les points de vue de l'Iran ont été pris en compte (...) et sur la base desquels nous pouvons poursuivre les discussions», s'est-il félicité.é. Le négociateur en chef iranien Ali Bagheri, un ultraconservateur qui suit les directives du guide suprême Ali Khamenei, avait présenté les deux textes comme «des points supplémentaires» à ce qui avait été négocié par ses prédécesseurs réformateurs, du temps de l'accord de 2015. Il avait insisté pour faire inscrire en bonne place «la levée complète des sanctions injustes et inhumaines» imposées à l'Iran. Cette façon de modifier de façon significative le texte avait irrité les négociateurs européens et américains qui avaient menacé à plusieurs reprises, sans jamais le faire, de quitter les discussions et brandi l'option militaire souhaitée ardemment par l'entité sioniste. Pour l'expert français de l'Iran Bernard Hourcade, les négociateurs iraniens «ont réussi durant cette session à convaincre leurs interlocuteurs qu'il faut régler prioritairement les sanctions car cela ouvrira la voie au règlement technique du volet nucléaire». Les autorités iraniennes ont toujours affirmé avoir respecté l'accord de Vienne (JCPOA) et pour elles, «c'est aux Etats-Unis (...) de réparer les dégâts», a indiqué l'auteur de «Géopolitique de l'Iran». «L'Iran sait que le rapport de force est à son avantage car c'est désormais un pays du seuil, c'est-à-dire qu'il est capable à court terme, comme une trentaine d'autres pays dans le monde, de fabriquer une bombe atomique s'il le voulait. Il peut enrichir l'uranium quand il le souhaite», a précisé ce chercheur. En attendant, l'Iran espère bien obtenir des résultats. «Il semble que la République islamique veuille aboutir à une conclusion définitive, que ce soit le retrait définitif ou l'adhésion totale au JCPOA. En tout cas, l'objectif est de sortir de cette situation incertaine», explique Hossein Kanani-Moghaddam. Pour pérenniser le futur accord, «face à Israël qui disposerait entre 80 à 300 ogives nucléaires, le groupe 5+1 (France, Grande-Bretagne, Etats-Unis, Chine, Russie et Allemagne) devrait protéger l'Iran qui n'en possède pas, sinon à tout moment l'accord pourrait voler en éclats», dit-il. Le conseiller à la sécurité nationale américain, Jake Sullivan, est attendu mardi en Israël où sa visite, selon des responsables de la Maison-Blanche, sera notamment centrée sur les discussions nucléaires.