Annoncée par la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, l'ouverture des archives françaises, concernant les affaires judiciaires et les enquêtes de police, durant la guerre de Libération nationale est effective, depuis jeudi dernier. Un arrêté du ministère de la Culture rend consultables toutes «les archives publiques produites dans le cadre d'affaires relatives à des faits commis en relation avec la guerre d'Algérie entre le 1er novembre 1954 et le 31 décembre 1966». Le texte, publié au Journal officiel, concerne «les documents relatifs aux affaires portées devant les juridictions et à l'exécution des décisions de justice». L'ouverture des archives concerne aussi tous «les documents relatifs aux enquêtes réalisées par les services de la police judiciaire». C'est ainsi que toute la chaîne judiciaire est touchée par cette décision qui intervient avec 15 ans d'avance, sur les délais fixés par les procédures habituelles. Une volonté d'en finir avec un pan encore opaque de l'Histoire de France, mais pas forcément le plus problématique. Il reste, que cette initiative représente, tout de même, un pas dans la bonne direction, sans qu'elle ne soit véritablement la clé du contentieux mémoriel algéro-français. D'ailleurs, l'absence de réaction de l'état algérien peut appeler diverses interprétations, dont celle de l'inutilité de la démarche, au sens où l'essentiel des archives controversées demeurent détenues par l'armée française. Mais l'attitude d'Alger est aussi conditionnée par la valeur intrinsèque de ces archives et aussi des entraves susceptibles d'empêcher les historiques d'y avoir accès sans restrictions. Pour l'heure, l'arrêté publié au JO français, note que les documents «libérés» sont «conservés aux Archives nationales, aux Archives nationales d'outre-mer, dans les services départementaux d'archives, dans le service des archives de la préfecture de police, dans les services d'archives relevant du ministère des Armées et à la direction des archives du ministère de l'Europe et des Affaires étrangères». Potentiellement, il ne devrait exister aucune contrainte à la consultation de ces archives, sauf que depuis l'annonce de leur ouverture, le 10 décembre dernier, on n'enregistre pas un engouement particulier de la part des historiens. Est-ce parce qu'elles ne sont pas d'un apport déterminant dans l'éclatement de la vérité historique sur les crimes coloniaux? Difficile de répondre à cette question, même si ces mêmes historiens sont unanimes à dire que les services d'archives relevant du ministère des Armées n'ont jamais été coopératifs. Or, ces services détiennent des archives concernées par la levée du «secret Défense».Comme on ne peut pas concevoir que la ministre de la Culture ait pris la décision de rendre publics ces documents de son propre chef, il est admis de penser que l'acte vient de plus haut. Le président Emmanuel Macron qui a multiplié les gestes de bonne volonté pour se faire pardonner ses propos inadmissibles sur l'Histoire de l'Algérie, a certainement suscité cette démarche, dans le but de poursuivre le processus de dialogue des mémoires, préconisé au lendemain de son arrivée à l'élysée. Le silence d'Alger l'invite à ne pas s'arrêter à des actions cosmétiques et aller franchement vers un dialogue serein et constructif sur les crimes de la colonisation. Rappelons, qu'avant sa sortie de route, le 30 septembre 2021, le président français avait avancé dans la reconnaissance des crimes commis par l'Etat français en Algérie, durant la colonisation. Ainsi, en septembre 2018, il reconnaissait que la disparition du chahid Maurice Audin, en 1957 à Alger, était le fait de l'armée française et ouvrait les archives sur cette affaire. En mars 2021, il reconnaissait le crime d'état commis sur la personne du chahid Ali Boumendjel et annonçait une simplification de la procédure pour accéder par dérogation aux archives classifiées de plus de 50 ans. Si pour les reconnaissances publiques, Macron fait montre de bonne volonté, il n'en est pas de même pour les archives militaires, puisque la «simplification» était en réalité de la poudre aux yeux, au regard des résistances qui empêchent, à ce jour, leur consultation par les historiens algériens et français.