L'absence d'une vision prospective et d'une stratégie claire constituent, selon les experts en économie, le ventre mou du processus de privatisation. Les intervenants hier à la rencontre-débat sur les politiques de privatisation organisée par la Confédération des cadres de la finance et de la comptabilité (Ccfc), ont tous relevé que le processus de privatisation tel qu'il est conçu actuellement souffre d'un manque de stratégie claire. En préambule, le président de la confédération M.Mahmoudi a dressé un constat amer sur l'opération de privatisation des entreprises qui se fait, selon lui, sur le dos des travailleurs. «Le dossier pose véritablement problème. On ne sait pas ce qu'on veut à travers cette démarche», a-t-il clairement affirmé. Dans le même ordre d'idées, M.Bahloul Mohamed, docteur d‘Etat en sciences économiques reconnaît de son côté que la visibilité fait défaut dans la politique de privatisation mise en oeuvre par les pouvoirs publics. «L'Algérie est l'un des rares pays qui ont appliqué le consensus de Washington à la lettre pour réaliser le passage à l'économie de marché», soutient-il. Ce dernier démontre que le processus a été mis en application sans pour autant prendre en considération les différents paramètres de l'économie nationale. La formation d'un consensus ferme, la mise en place d'un dispositif d'encadrement juridico-institutionnel, la préparation des équipages aux méthodes techniques de pilotage stratégique et opérationnel de cession des entreprises constituent, aux yeux de l'expert, des actions incontournables de pré-requis pour le succès de la privatisation. Même si le processus de privatisation accuse un grand retard, M.Bahloul suggère de ne pas diaboliser la situation et de prendre le temps de réfléchir pour mener à terme l'opération. «Il ne suffit pas seulement de liquider les entreprises, mais il faut également penser au devenir des travailleurs et de l'économie nationale», précise-t-il en affirmant que l'Etat ne cherche pas à gagner de l'argent mais à construire une économie productive. Dans le cadre de l'évaluation du processus de privatisation des entreprises, un autre expert souligne l'absence d'expertises fiables. «Toutes les expertises ont été confiées à des bureaux d'études nationaux», témoigne-t-il pour relever l'absence de transparence. Ce dernier porte un regard critique sur la manière dont est conçue la politique de privatisation. «Nous assistons à une certaine léthargie dans le processus de privatisation», constate-t-il. Pour sa part, l'ex- gouverneur de la Banque d'Algérie, M.Hadj Nacer, explique le retard accusé dans la privatisation par le fait qu'il n'y a pas de consensus entre les décideurs sur les secteurs à privatiser et le modèle à suivre pour préserver les intérêts de l'Etat. «Je ne reproche rien aux responsables. Je pense que le problème est dû au système politique lui-même», a-t-il souligné.